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Article
Existe-t-il
sur Terre une troisième sorte de réplicateurs?
par Jean-Paul Baquiast 28/05/2008
|
article
en discussion
Ayant
depuis la naissance de notre revue présenté
et commenté les développements de la mémétique,
nous avons depuis déjà quelques mois insisté
sur le fait que le concept de mème était trop
général pour pouvoir permettre des approches
rigoureuses. Si l’on considère, comme encore
beaucoup de méméticiens, que le mème
est un réplicant de type culturel se développant
à partir des réseaux d’échanges
interhumains (le langage, les médias, Internet),
il est difficile de distinguer ce qui est mème de
ce qui ne l’est pas.
La
même ambiguïté avait pesé sur la
génétique, à l’époque
du « tout génétique », quand on
prétendait pouvoir isoler les gènes responsables
de tous les comportements animaux et humains. L’évolution
paraissait alors pouvoir s’expliquer comme résultant
de conflits darwiniens entre gènes égoïstes.
Une approche plus réaliste, de plus en plus qualifiée
d’épigénétique, s’est efforcé
de montrer que les gènes (à supposer que ce
concept corresponde à quelque chose de précis
en biologie) s’expriment rarement seuls, mais à
travers des individus, les phénotypes, eux-mêmes
en compétition darwinienne à travers les structures
sociales qu’ils forment en s’assemblant de façon
différente selon les espèces. Si nous acceptons
le postulat de la mémétique selon laquelle
ces structures sociales et leurs productions culturelles
deviennent à leur tour des réplicants, baptisés
mèmes, il serait en tous cas difficile de complètement
isoler leur évolution de celle de l’évolution
génétique.
On
dira que l’évolution génétique
est lente et que l’évolution mémétique
est rapide. Il serait donc légitime de les étudier
séparément. Mais ce n’est pas du tout
évident lorsque l’on considère les changements
qu’impriment aux phénotypes les conflits entre
mèmes culturels. L’homme de la société
de l’information n’est plus comparable, si l'on
mesure la complexité de ses connexions neuronales,
au chasseur-cueilleur. Les généticiens répondront
que les complexités neuronales acquises par l'individu
ne se transmettent pas aux gènes définissant
l’organisation des bases neurales de la cognition,
lesquelles bases n’auraient pas changé depuis
l’australopithèque. Mais ce point est précisément
en débat aujourd’hui, autour de la question
de plus en plus fréquemment posée de la «
grosseur » du cerveau des hominiens – sans parler
des autres évolutions morphologiques. Le moins que
l’on puisse dire est qu’il y a eu une coïncidence
troublante entre le développement des cultures, des
langages et des outils et celui de la taille du cerveau.
Tout laisse donc supposer – sans preuves explicites
– que le développement des cultures anthropologiques
a créé des conditions favorables à
de micro-mutations des bases génétiques de
la cognition, favorisant les individus les mieux aptes à
survivre dans des sociétés utilisant des concepts
langagiers et des outils 1).
Dans
ce cas, plutôt que disserter sans fin sur les «
mutations » intéressant les mèmes, considérés
comme des réplicants autonomes, sans bases biologiques
(pourquoi les jupes s’allongent-elles et se raccourcissent-elles
périodiquement), il serait plus utile d’étudier
la façon dont ils s’expriment en interaction
avec les supports biologiques et neuronaux sans lesquels
ils n’existeraient pas. Un mème n’ait
pas une idée en l’air, résultant de
l’intervention du Saint Esprit. C’est un message
de type informatique, dont on peut suivre la trace aussi
bien dans les cortex émetteurs et récepteurs
que dans les réseaux d’échanges entre
ces cortex. Or, c’est la façon dont ils interagissent
avec les contenus corticaux et les processus neuronaux de
production de ces contenus qui devrait nous intéresser
en priorité. C’est pourquoi j’avais moi-même
proposé (Baquiast. PMF) de reprendre une idée
présentée par Robert Aunger, celle de neuro-mème.
Malheureusement, étudier les neuromèmes suppose
des moyens complexes et coûteux en imagerie cérébrale
dont les chercheurs ne disposent pas 2)
.
Concluons
de ce premier débat que la mémétique
aurait tout intérêt à mieux se rapprocher
de la génétique et de l’épigénétique
pour essayer de mettre en lumière les évolutions
complexes de type darwinien intéressant les sociétés
humaines. Il ne s’agit pas de nier le caractère
réplicant, tant des gènes que des mèmes,
mais de voir que leurs réplications respectivent
interfèrent en permanence dans nos sociétés.
Ainsi les bouffées pandémiques telles que
celles de la grippe aviaire, qui résultent de mutations
génétiques au sein du virus, sont en permanence
contrées (mais aussi parfois favorisées) par
la façon dont les cultures humaines ressentent les
mutations des mèmes intéressant la nourriture,
les transports, la vie urbaine, et plus généralement
la santé.
Les
technomèmes
C’est
en partant de ces prémisses que ceux qui s’intéressent,
comme nous le faisons dans cette revue, à l’évolution
des technologies et à leur poids de plus en plus
important sur l’évolution des cultures et des
milieux biologiques, ont proposé le concept de technomèmes.
Ne revenons pas sur celui-ci. Disons simplement qu’il
postule l’existence d’une autonomie grandissante
de la part du complexe formé par les techniques,
ceux qui les inventent et ceux qui les utilisent. Cette
autonomie est de plus en plus redoutée, compte-tenu
des conséquences lourdes sur les équilibres
bioenvironnementaux résultant de l’explosion
des diverses techniques. Qui arrêtera, dit-on, le
complexe de l’automobile, celui des armes à
feu, celui du pétrole, etc ? 3)
Si
nous retenoons l’approche proposée par Susan
Blackmore, celle des « tèmes
» 4), nous ferions de ces technologies
des réplicants autonomes, venant en compétition
avec les gènes et les mèmes. Comme ces réplicants
paraissent douées de beaucoup plus de pouvoirs (technologiques)
que les gènes et les mèmes, ils pourraient
en se multipliant éliminer la vie et en tous cas
l’homme de la Terre. En contrepartie, ils pourraient
peut-être entreprendre la conquête d’autres
planètes. Nous pensons pour notre part que ces considérations
relèvent – au moins à ce jour –
de la science fiction.
Dans
l'approche moins simplificatrice que nous avions proposée
dans les articles précédents, nous suggérions
le terme de systèmes bioanthropotechniques.
Le mot est affreux, convenons-en. Mais il montre bien le
côté composite des réplicants technologiques,
comme "le monde de l'automobile" ou celui "des
armes à feu". Il y a en eux du biologique (nos
gènes nous conduisant à nous regrouper, à
nous approprier des objets, etc.), de l'anthropologique
culturel (les cultures qui nous poussent à construire
tels types de société, d'outils et d'usages)
et du technologique (les techniques qui se développent
selon des lois propres où l'humain intervient peu).
Parler
d'une troisième catégorie de réplicants,
les tèmes, comme le fait Blackmore, présuppose
que, dès maintenant ou très vite, ces entités
prendront leur autonomie réplicative et entreront
en conflit darwinien avec les gènes et les mèmes,
c’est-à-dire avec nous. La perspective, on
le sait, a déjà été envisagée
à propos des robots. Or, ceux de nos lecteurs bien
informés des progrès de la robotique autonome
savent que, pour le moment encore, l’ère de
robots s’émancipant des hommes et les combattant
avec succès n’apparaît pas proche.
Vont-ils à terme nous échapper et nous combattre?
La perspective peut être envisagée - ce que
nous faisons nous-mêmes quand c'est opportun - , mais
répondre par l’affirmative immédiatement
ne serait pas scientifique. Aucun robot vraiment autonome
n'est aujourd'hui concevable. On pourrait dans le même
esprit faire des hypothèses sur ce qui se passerait
si la Terre était envahie d'extraterrestres hostiles.
Si
de tels robots apparaissaient - à supposer qu’ils
le fassent – mieux vaudrait supposer qu'ils généreraient
des réponses adaptées de la part des bioanthropos
que nous sommes, c’est-à-dire des humains.
Ces réponses seraient alors du type posthumain.
Nous
pensons donc que c'est plus dans la perspective du posthumain,
au sein duquel s’affronteraient des entités
– pour reprendre le terme – bioanthropotechniques
qu’il conviendrait d’envisager l’avenir.
En tous cas, la nécessaire refondation politico-scientifique
de la mémétique ne devrait pas passer par
la reconnaissance d’une hypothétique «
témétique ».
Notes
1)
Voir "Un événement encore mal expliqué,
l'apparition d'un gros cerveau chez les hominidés"
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2008/88/groscerveau.htm
. Nous y évoquons la question des enfants surdoués.
Nous avons aussi mentionné les réflexions
actuelles autour du concept de neurones-miroirs, de plus
en plus considérés comme indispensable à
l’auto-représentation et à l’élaboration
de stratégies situées dans le temps. Pour
ne pas avoir à faire l’hypothèse un
peu facile que ces neurones-miroirs seraient subitement
apparus chez certains primates, futurs hominiens et non
chez les autres, on peut imaginer que ces neurones existent
chez de nombreux animaux – ce qui semble être
le cas - mais, comme l’explique Stanislas Dehaene
à propos des gènes du langage, qu’ils
auraient été « exaptés »
par certains primates confrontés à des changements
environnementaux leur ayant imposé d’abandonner
leurs cultures antérieures.
2) Voir cependant les articles consacrés
à Stanislas Dehaene dans cette revue.
3) Voir notre dossier "La révolution
du zootechnocène"
http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2008/88/zootechnocene.htm
4) Voir son article : http://www.susanblackmore.co.uk/memetics/temes.htm
said
J'ai
résumé ce qui précède
à l'attention de Susan Blackmore par le petit
article suivant. Il est malheureusement écrit
en mauvais anglais, dont les anglophones voudront
bien j'espère m'excuser JPB 27/06/08
Reaction
to Susan Blackmore's paper "Genes, Memes and
Temes"
http://www.susanblackmore.co.uk/memetics/temes.htm
Globally
I agree on the hypothesis that technological memes
(temes) become replicators of their own, as genetic
and memetic replicators do.
But
I think that we should not restrict our observations
to the competitions between them.
I
would rather propose that each new replicator add
a new layer to the previous one, forming a new complex
replicator whose specifications are a combination
(eventually chaotic) of both.
I
propose to name this complex replicator a global meme
or better if not simpler, a bioanthropotechnological
system (BATS).
Exemple
What
is called the Military Industrial Complex (MIC) in
the US is in my view a mix (I simplify) of:
*
technological memes, soon partly self-reproducing
(cognitive systems or molecular machines used as military
devices, for exemple).
* ideological memes, wastely self reproducing (What
are we fighting for: for God, for Good, against Evil
and so on)
* phenotypic memes, i.e. men and women working in
the different cells of the MIC. As they are not similar,
they react differently in similar situations. For
instance, one observe an unexpected rate of nervous
breakdowns among Irak combattants and veterans, which
does not appear in administrative units .
* genotypic memes, i.e. variant of the human genotype
employed at the various units of the MIC, whites,
afro-americans, latino-americans…As the MIC
is young, differences in the reproduction rate between
sub-racial components have not yet been observed,
but they could be soon.
At the genotypic level, we can (we must) include the
genes of living creatures associated with humans.
Evolution
is active in each of the four levels. Surely evolution
is more obvious in the technological level, but it
exists in the other three.
Each
level of evolution is active top down and bottom up
on the other three levels. We have a complex chaotic
evoluting system, which cannot be a priori predicted
nor a posteriori described, except statistically.
So I call it a global meme ou BATS.
If
we consider the US.MIC as a global meme, we may use
the same method for identifying analogous or different
global memes: for instance insurgent groups in the
Irak war (their technology is RPG7 or dynamites),
the american National Rifle Association, US. SUV owners
associations, etc.
Of
course the numerous BATS compete for access to earth
resources and surviving. Some die, other mutate, new
ones appear, as in biological life. These competitions
could possibly induce local extinctions, if not a
global one.
An
important point on which I insist is that is is now
possible, with the development of various scientific
tools, to observe scientifically
grossly what happens in each of the components of
the BATS, as they co-evolve.
- genetic engineering for the genetic meme
- brain imaging for the phenotypic meme: for instance
how the brain of a rifle user react specifically...
- evolutionary psychology and social sciences for
the ideological memes
- technical and scientific studies for the technological
memes (for instance robotics)
It
is also necessary to consider the complex network
of relations which connect the 4 levels in each BATS,
and the different BATS when they interfere. Many of
them are materially observable. A lot of work, but
which is technically feasible.
So
scientific study of BATS is quite possible, which
was not really possible with memes.
Let
me add that we are obliged, when we intend to study
scientifically BATS, to ask the big question, as everywhere
in sciences: who are the person undertaking the study?
A memeplex?
NB:
just a point about cosmological temes. I am not sure
that they could develop and compete in interstellar
spaces, if cosmological laws are what they appear
to be to-day. Distances are too great.
|