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Editorial
2
Big government
versus Anglo-Saxon economic model
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
17/07/2008
|
Il
ne faudrait pas que l'Europe soit, à la remorque
des esprits libéraux archaïques qui dominent
encore dans les Think Tanks de Bruxelles, la dernière
à comprendre que le temps est venu d'abandonner le
libéralisme et de développer de nouvelles
formes d'intervention publique, incluant (mot encore honni)
certains types de protectionnisme sélectif.
Le
chroniqueur de United Press International Martin Walker
observe, dans un commentaire du 30 juin 2008 à propos
du G8, que les 30 années de libre-échange
et de dérégulation, dites Ere Reagan-Thatcher,
sont désormais terminées (source
dedefensa bimensuel n° 20 du 10 juillet 2008).
La crise du crédit, le désordre des marchés
financiers et la raréfaction des ressources vitales
exigent un retour à l'intervention publique, ceci
selon lui pour au moins 30 ans. « The era of big
government is back. The Anglo-Saxon economic model ...does
not seem to be much use in tackling the (world) demographic
challenge or climate change”.
Ce
jugement pourrait paraître anecdotique. Mais pour
nous qui répétons cela depuis de nombreux
mois, il annonce les premiers craquements du monstrueux
bloc de certitudes que la pensée économique
anglo-saxonne impose aux pays occidentaux, aussi bien d'ailleurs
à la société américaine elle-même
qu'à l'Europe, sous le concept de mondialisation
libérale. Pour cette pensée, afin que la mondialisation
apporte à tous ses bienfaits, il faut absolument
que les Etats n'y interviennent pas, notamment par des mesures
protectionnistes présentées comme le crime
des crimes.
Or
voici que maintenant, l'Amérique elle-même,
vue comme le modèle le plus achevé de libéralisme
– ce que les observateurs sérieux savent depuis
toujours qu'elle n'a jamais été – doit
faire ouvertement de plus en plus souvent appel à
l'Etat pour sauver ses établissements de crédits
et ses industries. Les autres gouvernements font déjà
et feront de plus en plus de même. L'ère du
« big government » est revenue, comme ce fut
le cas dans les années quarante et cinquante du siècle
dernier.
Nous
venons d'esquisser ce thème sur un autre site, en
l'appliquant à l'Europe (« Grands investissements
publics, seuls atouts pour l'Europe »
http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=99&r_id=
). Mais il faut ici y revenir et le présenter plus
systématiquement. Il semble que ce sera le monde
entier qui devra faire sa révolution culturelle,
en abandonnant le mythe des bienfaits du libéralisme
économique et du laissez-faire. C'est loin d'être
encore le cas. Ceux qui, comme Martin Walker précité,
annoncent un retour des Etats le cantonnent dans d'étroits
domaines : sauver les établissements financiers mis
en péril par des spéculateurs irresponsables,
offrir aux citoyens quelques prestations sociales sans lesquelles
ils entreraient en révolution. Mais ceci dans leur
esprit n'a qu'un but, restaurer la confiance dans le libéralisme,
afin de repartir de plus belle, au service de la mondialisation
heureuse.
Or
le modèle économique anglo-saxon, pour reprendre
le terme de Martin Walker, apparaît désormais
comme porter en lui-même les forces qui le détruiront.
Il ne s'agit pas seulement des abus de certains établissements
de crédits, mais de la destruction désormais
presque irrémédiable des ressources et des
équilibres naturels grâce auxquels les sociétés
humaines avaient pu jusqu'alors se développer. Le
mode de vie américain (american way of life), fruit
du libéralisme économique et présenté
jusqu'à présent au monde entier comme l'objectif
du bonheur à atteindre, se révèle générateur
de catastrophes en série dont les dégâts
locaux nés de la guerre en Irak ne donnent encore
qu'une faible idée. Rien de vivant ne résistera
sur Terre si on laisse la bride sur le cou aux entrepreneurs
capitalistes à la recherche du profit immédiat.
Il
est possible que d'autres grands pays l'aient déjà
compris et aient décidé de maîtriser
leurs propres entrepreneurs, en les inscrivant dans les
cadres de régulations globales permettant d'éviter
les désastres de l'épuisement des ressources.
Il est très probable aussi que les Américains
y viendront très vite, peut-être dès
les prochaines élections, de la même façon
qu'ils ont su, après la crise de 1929 échanger
le libéralisme sauvage pour le keynésianisme.
Il
ne faudrait pas que l'Europe soit, à la remorque
des esprits libéraux archaïques qui dominent
encore dans les Think Tanks de Bruxelles, la dernière
à le comprendre. L'Europe a potentiellement beaucoup
d'atouts pour restaurer en son sein l'ère du Big
Government que d'aucuns demandent désormais outre
-Atlantique. Des Etats comme la France ou l'Allemagne, pour
ne citer qu'eux, ont de solides traditions de gestion publique
désintéressée dont on a pu certes connaître
les erreurs ou les crimes mais qui ont aussi fait leurs
grandeurs. Ils doivent les revivifier, les moderniser, les
ouvrir au monde et les proposer aux autres Européens.
Ceux-ci, bien qu'encore fascinés par un modèle
américano-atlantiste dont ils se refusent à
voir les failles grandissantes, pourraient vite comprendre
l'intérêt d'une solide gouvernance européenne,
dans ce siècle des guerres de survivance qui s'esquisse.
Encore
faudrait-il que de grandes figures européennes sachent
incarner la nouvelle révolution politique que nous
esquissons ici, comme F.D. Roosevelt (malgré ses
insuffisances) avait su le faire pour l'Amérique
en son temps. Ces grandes figures, on les cherche encore.
Mais la nation française ne devrait pas renoncer
à pousser en avant ses candidats et leurs bonnes
idées, s'il en émergeait de la débilité
intellectuelle ambiante.
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