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Economie
politique
L'industrialisation des Etats pétroliers
du
Golfe menace-t-elle l'Europe?
par Jean-Paul Baquiast 08/02/2008
|
Nous
publierons périodiquement sous cette rubrique, quelques
articles économiques ou de politique économique.
Après tout, ces disciplines devraient aussi être
considérées comme des sciences. Automates-Intelligents
Le
cœur de développement économique et technologique
du monde va-t-il migrer vers l’Arabie saoudite et
les Emirats ? La question doit être posée.
On sait en effet que l’Arabie saoudite a depuis longtemps
compris qu’elle devait utiliser les revenus de ses
exportations de pétrole pour se donner des bases
industrielles et technologiques capables de prendre le relais
du développement quand le pétrole s’épuisera.
Les Emirats du golfe Persique font de même.
Pour
le moment, ces projets n’éveillent pas d’inquiétude
particulière chez les puissances géopolitiques
visant à la maîtrise du monde de demain. Les
Etats-Unis comptent sur la solidité de leur tissu
industriel et scientifique pour ne pas se trouver déclassés
par les futurs centres de compétences que les Etats
arabes édifient à grande vitesse. Au contraire,
ils espèrent bénéficier les premiers,
grâce à la délocalisation de leurs laboratoires
et entreprises, du boom de la région. La Chine et
secondairement l’Inde, elles aussi très actives
sur place, en tirent de nombreux avantages, notamment en
termes d’acquisition de marchés où exporter
leurs biens de consommation et leur main-d’œuvre.
Elles ne s’inquiètent pas, vu la puissance
des économies-monde qu’elles représentent
à elles deux, de la concurrence d’Etats arabes
qui restent petits par rapport à elles. Quant à
l’Europe, qui n’a toujours pas de perspectives
stratégiques à long terme en quelques domaines
que ce soit, elle se borne à regarder avec curiosité
la croissance des futurs mégapoles de la mer Rouge
et du Golfe persique, en espérant en profiter très
marginalement. C’est ainsi que la France s’est
mobilisée pour des projets qu’il faut bien
qualifier de dérisoires au regard des enjeux en cause,
comme l’ouverture du Louvre d’Abou Dhabi ou
l’implantation d’un quartier imité du
vieux Lyon à Dubaï.
On peut penser cependant que cette insouciance partagée
trahit une véritable inconséquence, celle
par laquelle les vieux empires précipitent leur fin
par aveuglement. Il faut bien voir que l’addiction
au pétrole des pays occidentaux, comme d'ailleurs
celle de leurs concurrents asiatiques, aboutit à
donner aux Etats producteurs, quasiment gratuitement en
termes de contrepartie de leur part, les briques avec lesquelles
ils construisent actuellement leur future domination du
monde. Jusqu’à présent, les Etats industriels
n’avaient construit leur puissance que dans la sueur
et le sang, en comprimant férocement la consommation
de leurs populations. Le même processus se poursuit
à bien plus grande échelle en Chine et en
Inde. Chaque euro investi se paye par des souffrances énormes
au sein de la population. Les Pays arabes n’ont au
contraire, si l’on peut dire, qu’à se
baisser non pas seulement pour s’enrichir, mais pour
se donner les usines monstrueuses et les laboratoires énormes
grâce auxquels ils pourront jouer dans la cour non
seulement des grands mais des super-grands. Il leur suffit
de vendre leur pétrole et d’acheter la compétence
mondiale avec les sommes ainsi accumulées.
Les
pays capitalistes occidentaux commencent à s’inquiéter
de voir les fonds d’Etat riches de milliards de pétro-dollars
menacer de racheter toutes leurs entreprises cotées
en bourse. Mais ils devraient s’inquiéter bien
davantage de voir que dans un futur de quelques années,
cet argent ne se limitera pas à des achats et des
délocalisations D’ores et déjà,
l’appât du gain facile attire un nombre croissant
d’entreprises et d’hommes venant d’Amérique
et d’Europe. Des sites industriels et commerciaux,
des équipements urbains se créent. Ils jouent
un puissant rôle d’attraction pour d’autres
à venir. Tout ceci une fois implanté ne disparaîtra
pas avec la diminution des réserves de pétrole.
Ces installations prendront tout naturellement le relais
d’un certain nombre de sites américains et
bien plus encore des sites européens vieillis, sous-équipés
et progressivement abandonnés par la jeunesse productive.
Ajoutons que les Etats arabes ne séparant pas l’expansion
économique de celle de leur religion, ils se feront
plus que jamais les propagandistes de leurs croyances dans
le reste du monde, dollars à l’appui, ce qui
leur ouvrira d’innombrables portes et marchés
dans le monde musulman.
Manque
de réaction des Européens
C’est pourquoi on peut s’étonner
de voir le manque de réaction des Européens,
pour ne mentionner qu’eux, à l’énoncé
des projets de l’Arabie Saoudite, pour ne mentionner
qu’elle. Citons quelques éléments. Un
plan de 500 milliards de dollars d’investissement
vient d’être arrêté pour les 20
prochaines années. Il créera de nombreuses
nouvelles villes et usines, avec des millions d’emploi.
Les usines ne seront pas seulement pétro-chimiques.
Sur une base pétrochimique, tel le projet Petro Rabigh,
joint venture entre le pétrolier public Saudi Aramco
et l’entreprise japonaise Sumitomo Chemicals, ces
complexes produiront toutes la gamme des produits industriels
et de grande consommation vendus dans le monde.
Or
les revenus du pétrole ne cessent d’augmenter.
Selon l’Institut de Finance Internationale basé
à Washington, ils ont atteint 1,5 trillions de dollars
de 2002 à 2006. L’essentiel n’a pas servi
à constituer les fonds d’Etat que l’on
commence, fort justement, de redouter en Occident. Ila été
réinvestis sur place, et pas seulement dans des équipements
touristiques ou des tours géantes. Ils servent à
financer des équipements de télécommunication,
des routes, des ports et aéroports, ainsi que –
le plus important pour l’avenir –des universités
qui bien que se voulant islamiques ne négligeront
aucune discipline technologique importante. Nous avions
indiqué précédemment que l’achat
par les Emirats de gros porteurs Airbus, dont l’Europe,
à juste titre, s’est félicitée,
permettra en fait de faire fonctionner, avec la bénédiction
des Européens, un immense « hub » entre
l’Asie et l’Amérique, destiné
à se substituer progressivement à Londres,
Francfort et Paris, au profit des activités de transport
mais aussi des implantations commerciales et industrielles
associées.
Le
Royaume Saoudien, actuellement peuplé de 24 millions
d’habitants dont 7 millions d’étrangers,
attend compte tenu de son taux élevé de natalité
40 millions de citoyens vers 2025. Pour occuper tout ce
monde, l’objectif est de faire pour cette date du
Royaume une puissance industrielle majeure. A coup de milliards
de dollars, le plan patronné par le Roi Abdullah
vise à construire 6 nouvelles villes sur le territoire
du pays, dont la King Abdullah Economic City à
l’ouest, la Knowledge Economic City près
de Médine et la Prince Abdulaziz bin Mousaed
Economic City au nord. Ces villes devraient vers 2020
ajouter 150 milliards par an au produit national, créer
1 million d’emplois qualifiés et loger 5 millions
de personnes.
Certes,
ces projets susciteront beaucoup de difficultés,
inflation rampante, manque de main-d’œuvre, risques
pour un environnement déjà fragile. Ils pourront
aussi provoquer des réactions religieuses fondamentalistes.
Mais avec beaucoup de dollars, ces problèmes peuvent
se résoudre. Que devrait dans ces conditions faire
l’Amérique ? Plus particulièrement,
que devrait faire l’Europe, dont les perspectives
économiques dans la région sont bien moindres
? La réponse de bon sens serait de cesser de consommer
autant de pétrole, autrement dit de diminuer les
cadeaux faits à des Etats qui, comme aurait dit Lénine,
tissent la corde pour nous pendre. Avec les sommes économisées,
les Etats européens devraient investir dans les énergies
de remplacement (sans oublier le nucléaire) et les
industries où ils ont conservé quelquesmaîtrise.
Mais diminuer la consommation de pétrole signifierait
s’engager dans des processus de décroissance
rationnelle portant sur certaines consommations et relancer
des politiques industrielles et de recherche impossibles
en dehors d’un protectionnisme sélectif lui-même
décidé au niveau Européen.
Nous
en sommes loin – pour le moment. Dans quelques années,
nécessité faisant loi, les points de vue changeront
sans doute. Mais ne sera-t-il pas trop tard ?
Petro Rabigh http://www.petrorabigh.com/