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Editorial2
L'explosion
du post-anthropocène
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
07/02/2008 |
Animaux précambriens, les lointains
prédécesseurs de nos successeurs
Il
devient courant d’appeler anthropocène l’ère
de l’évolution de la Terre qui a débuté
avec le développement à large échelle
des humains et les modifications qu’ils ont progressivement
apporté au milieu physique et vivant. C’est
le prix Nobel Paul Cruntzen qui a proposé ce terme
en 2002. Il faisait allusion à l’influence
de l’humanité sur les structures géologiques
terrestres. Mais le terme, au grand désespoir semble-t-il
de la Commission Stratigraphique de la London Geological
Society qui voulait le faire normaliser par l’Union
Internationale des Sciences Géologiques afin de s’en
réserver l’usage, est de plus en plus utilisé
pour désigner les changements globaux que l’humanité
impose au milieu terrestre. Chacun peut dater le début
de l’anthropocène ainsi entendue en fonction
de ses préoccupations. On peut le situer à
la disparition des grands mammifères sauvages, due
à une chasse intensive, vers 5.000 ans avant le présent.
Mais c’est indéniablement depuis 2.000 ans,
voire seulement 200 ans, que l’évolution des
systèmes naturels résultant de l’activité
humaine est devenue plus rapide et s'est étendue
à tous les continents et les mers. Nul n’est
capable de dire ce que produira cette évolution dans
les prochaines années. Elle semble s’accélérer
et l’on peut craindre que les milieux naturels auxquels
nous sommes habitués, voire les sociétés
humaines sous leurs formes actuelles, en soient gravement
affectés.
Ceci
dit, contrairement aux miocène, pliocène,
pleistocène et holocène qui ont précédé
le susdit anthropocène, cette dernière période
risque d’être très courte. Sa durée
sera en effet celle de l’espèce humaine sapiens
sapiens ou plutôt de l’agrégat de
caractères génétiques et culturels
par lesquels on identifie généralement l’espèce
ainsi désignée – à supposer que
le concept d’une espèce unique aux traits partagés
par tous ses représentants ait une signification
scientifique. Or cette espèce sapiens sapiens
semble désormais en voie de disparition.
En
effet, à peine une définition à peu
près commune de l’humain avait-elle commencé
à émerger des affrontement religieux et philosophiques
du dernier siècle, qu’elle recommence à
s’estomper dans les brumes. On parle en effet, nous
les premiers au sein de cette revue, de post-humains ou
post-sapiens. Il s’agit de formes émergentes
se dégageant petit à petit des multiples avatars
que l’homme adopte de nos jours, du fait notamment
de l’influence qu’exerce sur son évolution
les nouvelles sciences et technologies. Le développement
de celles-ci, bien entendu, suit ses rythmes propres en
échappant quasi totalement à l’humanité
ou plutôt à ceux qui s’arrogent le droit
de définir ce concept flou.
Ainsi,
il conviendrait donc de parler, non plus d’anthropocène
mais de post-anthropocène. Bien plus, il faudrait
indiquer que nous sommes déjà entrés
dans cette nouvelle ère, même si peu d’entre
nous ne s’en rendent compte. L’humain de l’anthropocène,
celui qui faisait disparaître le mammouth comme celui
qui aujourd’hui fait disparaître la vie dans
les eaux océaniques n’existe pratiquement déjà
plus. L’humain d’aujourd’hui est projeté
dans des réseaux de haute technologie au sein desquels
l’individu ne constitue que de simples nœuds
ou hubs d’échanges de données numériques.
Mais ces individus ont conservé un appareil corporel
assez traditionnel, sans grands ajouts technologiques (à
part les implants dentaires dont, signalons-le au passage,
on reconnaîtra plus tard qu’ils ont bouleversé
la civilisation au profit de ceux qui peuvent se les offrir).
Par
contre, dans les prochaines décennies, les humains
qui auront survécu aux inondations, sécheresses,
famines, maladies et guerres le devront à des prothèses
innombrables, physiques et mentales. Ces hommes radicalement
augmentés mériteront vraiment alors d’être
qualifiés de post-humains. L’on pourra donc
célébrer en grandes pompes l’entrée
dans le post-anthropocène.
Mais
nous nous devons de dissiper à ce sujet une illusion.
La croyance déjà aujourd’hui fortement
contestable selon laquelle l’humanité est une
(et indivisible) ne pourra plus alors être entretenue,
même par les religieux les plus fondamentalistes ou
par les droits-de-l’hommistes les plus invétérés.
Autrement dit, la Terre sera partagée en un grand
nombre de post-anthropocènes, correspondant à
l’explosion plus que probable de différents
types de post-humains. On pourra parler de l'explosion du
post-anthropocène comme l'on parle de l'explosion
du pré-cambrien.
Des
environnements physiques, biologiques, technologiques, voire
cosmologiques différents, résultant du foisonnement
des divers types de post-humain, pourront alors être
identifiés. Sans entrer dans le détail, nous
dirions que ces variantes juxtaposeront les deux extrêmes.
On y trouvera des post-humains retournés pour des
raisons diverses à des états de nature (pour
ne pas dire de bestialité) proches de ceux des sociétés
animales telles qu'elles se présentent aujourd'hui,
au dernier stade de la lutte pour la survie que leur imposent
les humains actuels. Mais ces post-humains auront cependant
gardé, post-humanité oblige, une grande expertise
en armes de destruction massive peu coûteuses et faciles
à utiliser.
A
l’autre extrémité, on trouvera sans
doute des entités ayant maîtrisé la
vie artificielle, dans la suite de l’actuel Craig
Venter, père du Mycoplasma artificialis.
Elles auront également maîtrisé la pensée
et la conscience artificielle, sur des supports non biologiques
et donc capables de survivre loin de la Terre. Ces entités
pourront espérer porter ailleurs quelques uns des
traits survivants des actuelles cultures humaines. Rien
ne prouve d’ailleurs que ce soit ceux dont, aujourd’hui,
encore embourbés dans l’anthropocène,
nous estimons pouvoir être les plus fiers.