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Sciences,
technologies et politique
Agrocarburants: aujourd'hui et demain?
par Jean-Paul Baquiast
02/08/07
Image:
Jatropha curcas
Cet article a utilisé des informations fournies
par Sciences et avenir, août 2007
|
Comme toujours, dans les économies mondialisées
soumises à la course au profit de la part des multinationales
et à la volonté persistante des pays riches
de ne pas réduire leurs consommations, les idées
apparemment bonnes donnent vite naissance à de nouvelles
menaces pour l’environnement et la biodiversité.
C’était une bonne idée de remplacer
le pétrole par des agrocarburants pour alimenter
les moteurs à explosion. Non seulement le prix du
pétrole remontera inexorablement (70$ le baril aujourd’hui)
mais la production de CO2 du fait de son extraction
et de sa combustion pèsera de plus en plus lourd
dans le réchauffement global. Les projets de séquestration
conserveront en effet longtemps un rôle marginal.
Il paraissait également, du moins en Europe, intéressant
de fournir de nouveaux débouchés à
des agriculteurs en mal de marchés pour des exploitations
dont le déclin de la politique agricole commune n’assurait
plus la rentabilité.
Des espoirs déçus
Mais
en quelques années, sinon en quelques mois, aux yeux
des scientifiques, la bonne idée s’est révélée
particulièrement dangereuse. Ceci non seulement pour
les écosystèmes mais pour les populations
des pays pauvres. En effet, s’appuyant sur l’exemple
de ce qui s’est fait au Brésil, les grands
intérêts financiers ont entrepris de défricher
des espaces de forêts et de prairies naturelles pour
les consacrer à des cultures industrielles (maïs,
palmier à huile, soja…) destinées à
la distillation. Le bilan final de telles opérations
apparaît déjà catastrophique, non seulement
au regard de la biodiversité, mais même en
terme de production de gaz à effet de serre (GES).
En effet, remplacer un milieu forestier naturel ou des prairies
par des cultures industrielles impose, selon une étude
du Centre commun de recherche de l’Union européenne,
un délai de 100 ans avant que la capacité
de stockage en CO2 d’une prairie naturelle n'équivale
celle d’une culture industrielle (73 tonnes par hectare
et par an contre 660 kg pour le blé).
Par ailleurs, et comme on pouvait le prévoir, ce
ne sont pas seulement des espaces jusqu’ici vierges
qui sont consacrés à la culture de biocarburants,
mais des superficies dédiées à l’alimentation
humaine. On croît généralement que l’agriculture
croule sous les surplus et que, de toutes façons,
s’il se produit une augmentation de la demande, celle-ci
pourra être satisfaite par un renforcement des méthodes
de culture intensive (irrigation, engrais et pesticides
chimiques, variétés génétiquement
modifiées). Il n’en est rien. L’équilibre
production-consommation de subsistance est fragile. On constate
aujourd’hui que l’augmentation de la demande
liée aux agrocarburants entraîne des hausses
de prix (au moins 100% aujourd’hui par rapport à
l’an 2000) pour des céréales de subsistance
: maïs et bientôt blé. Or les consommateurs
des pays pauvres ne tireront aucun bénéfice
de la production des agrocarburants. De quoi se nourriront-ils
donc étant entendu que depuis 20 ans les agricultures
traditionnelles ont été ruinées par
les exportations de surplus subventionnés venant
des pays riches.
Quant à l’espoir mis dans une augmentation
de productivité de l’agriculture, il est totalement
fallacieux. D’ores et déjà, l’utilisation
des intrants chimiques atteint des niveaux écologiquement
et sanitairement insupportables. Celle de l’eau épuise
les réserves encore disponibles. Enfin et surtout,
le réchauffement climatique et la désertification
en résultant diminueront sans doute dans des proportions
considérables les terres agricoles. Le problème
est déjà posé à grande échelle
en Chine pour qui les agrocarburants sont d’ores et
déjà considérés comme des nuisances.
Des perspectives prometteuses
mais encore insufisamment encouragées
Cela
signifie-t-il que, pour lutter contre les GES et sauver
la biodiversité, il faille renoncer aux filières
végétales ou compter seulement sur une limitation,
de fait ou réglementairement imposée, de la
consommation de carburants fossiles. Sans doute pas. Nous
avons déjà dans cette revue présenté
des techniques avancées permettant de transformer
des biomasses d’origines diverses en carburant : par
exemple le programme européen ELCAT de conversion
de CO2 en carburant http://www.automatesintelligents.com/edito/2006/nov/edito2.html.
Mais ces techniques ne sont pas encore toutes au point et
demandent des recherches complémentaires, sans mentionner
les investissements industriels à suivre. De plus,
pour éviter les effets de monoculture ou de monotechnique,
elles doivent reposer sur des filières nécessairement
différentes ou complémentaires. Elles n’excluront
pas, de toutes façons, l’appel aux autres sources
d’énergie de substitution, notamment le solaire
et le géothermique.
Il
s’agit pourtant de perspectives toutes intéressantes
permettant de produire ce que l’on pourrait appeler
des biocarburants de seconde génération. Que
sont les filières envisagées? On a déjà
mentionné dans la presse l’utilisation des
pailles ou déchets forestiers. Mais cela n’est
envisageable qu’à petite échelle, sous
peine de relancer la déforestation. D’autres
déchets sont également utilisables, boues
de stations d’épuration ou provenant de l’élevage.
Mais dans ce dernier cas, là encore, il ne peut s’agir
que de sous-produits. On ne va pas élever des poulets
pour en faire du carburant. Tout aussi intéressantes
sont les cultures de plantes non alimentaires riches en
fibres, surtout si celles-ci peuvent vivre dans des terres
arides actuellement sans couverture végétale
ou non cultivables. On mentionne Jatropha curcas,
buisson producteur de graines oléagineuses, la graminée
Panicum virgatum ou Miscanthus giganteus,
dite herbe à éléphant. Des techniques
différentes font appel à des champignons ou
des bactéries capables de digérer les lignocelluloses.
Enfin des algues cultivées dans des incubateurs-digesteurs
solaires permettent de consommer le CO2 et le
monoxyde d’azote provenant des centrales électriques.
Le projet français Shamash développé
sous maîtrise d’œuvre de l’Inria
étudie avec succès cette dernière solution.
Voir:
http://www-sop.inria.fr/comore/shamash/
Ces
différentes perspectives ne réussiront à
s’implanter, face aux marchés déjà
conquis par les carburants fossiles et les biocarburants
industriels dont on a vu les effets destructeurs, qu’avec
le soutien des collectivités publiques et des institutions
internationales. Ce soutien devra prendre plusieurs formes
: aides à la recherche/développement, aide
à la mise en place d’infrastructures de production,
détaxations du produit fini. Plus généralement,
elles devront prendre place dans des politiques intégrées
visant à protéger l’environnement, valoriser
les déchets et, surtout, maintenir le niveau de vie
des populations pauvres. L’Europe
peut jouer un rôle capital dans ces domaines.