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Du côté
des labos
Vers des robots conscients
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
15/06/07
La
revue NewScientist du 19 mai 2007, p. 30, rapporte
les expériences impliquant les robots Nico (Yale) et
Leonardo (MIT) et visant à développer des comportements
qui chez un animal (ou un humain) permettraient de parler
de conscience de soi.
Nico
Le
chercheur en intelligence artificielle Kevin Gold, sous
la direction du Pr. Brian Scassellati du Social Robotics
Lab de Yale, développe des modèles intéressant
l'acquisition du langage et la reconnaissance de soi
en utilisant un robot nommé Nico. Celui-ci, en service
depuis quelques années au sein du laboratoire, est
désormais capable d'identifier son image dans
un miroir et de distinguer entre l'émetteur
et le récepteur d'un message parlé.
Ces recherches devraient permettre de préciser les
modalités d'interaction entre les humains et
les robots. Mais, plus généralement, elles
seront utiles pour éclairer la façon dont
les animaux et les jeunes enfants procèdent quand
ils font preuve de comportements analogues.
On
sait que la reconnaissance de soi a été identifiée
depuis longtemps chez des animaux supérieurs, notamment
à l'occasion du test dit du miroir. Un chimpanzé
marqué d'une tache de peinture rouge à la face
et la voyant dans le miroir tente de l'enlever, prouvant ainsi
qu'il associe l'image dans le miroir à l'image plus
globale qu'il a de lui. Des tests plus sophistiqués
confirment ce premier diagnostic. Certains chercheurs en déduisent
qu'en conséquence le chimpanzé se rend compte
de ce que les autres perçoivent de lui. Ceci serait
important pour expliquer l'élaboration des hiérarchies
sociales au sein du groupe. Mais on ignore encore si l'animal
a conscience de son apparence globale, ce qui lui permettrait
de l'identifier dans le miroir ou si, de façon moins
complexe, il se borne à percevoir les mouvements affectant
son image lorsque celle-ci est reflétée par
le miroir.
Nico, pour ce qui le concerne, ne dispose, grâce à
une programmation ingénieuse que nous ne décrirons
pas ici, que de la capacité de s'identifier
dans le miroir à partir de la perception du mouvement
d'un élément de son corps, par exemple
un de ses bras. Le robot classe tout ce qu'il perçoit
en trois catégories, le soi, l'autre et l'inanimé,
en utilisant des paramètres qui ont été
implémentés dans sa mémoire. Pour s'identifier,
Nico bouge un de ses bras et au vu de ce mouvement dans
le miroir classe ce qu'il voit dans la catégorie
du soi.
On dira que ceci est très loin d'une conscience
de soi, même sommaire, telle qu'elle peut se
manifester chez des animaux. En effet, il s'agit d'un
comportement analysé et programmé par des
humains. Ne rejoint-on pas les performances gestuelles et
vocales préprogrammées dont de nombreux robots
anthropoïdes se montrent capables. Mais bien que sérieuse,
l'objection ne tient pas si l'on considère
que dans la nature, des associations entre programmes comportementaux
très simples ont pu conduire à des comportements
globaux plus complexes comme ceux aboutissant à la
reconnaissance de soi dans un miroir. La même chose
peut donc se produire en robotique. Ce qui sera intéressant
de montrer, dans la suite des interactions entre Nico et
son environnement, sera l'éventuel enrichissement
spontané de la conscience de soi du robot, sans qu'il
soit nécessaire à ses concepteurs de pré-programmer
et charger des instructions de commande plus complexes.
Pour la suite, les chercheurs souhaitent que Nico acquière
la capacité de réfléchir à ses
propres objectifs aussi bien qu'à ceux des
autres. Ensuite, en faisant la différence entre eux
il comprendra les actions des autres à partir de
ce qu'il sait des siennes. Si le modèle qu'a
le robot de lui-même devient assez complexe, il pourra
l'utiliser pour prédire ce que ferait une personne
dans une situation donnée.
L'autre orientation actuellement recherchée
concerne l'acquisition du langage. Le robot pourra-t-il
apprendre la signification des mots et leurs usages en fonction
de la façon dont les personnes les manipulent. On
sait que de telles recherches, sur des bases un peu différentes,
sont poursuivies en France dans le laboratoire de Sony-CSL.
Leonardo
Leonardo
est un robot à fourrure construit au MIT. Il a acquis
la capacité de comprendre que quelqu'un d'autre pourrait
croire quelque chose dont on connaît soi-même
la fausseté. C'est ce que l'on nomme la fausse croyance
(false belief) mise en évidence par le test
du chocolat. On montre à un jeune sujet un film où
un enfant cache un morceau de chocolat dans un tiroir puis
s'en va. Sa mère survient alors et place le chocolat
ailleurs. Un très jeune sujet prédira que l'enfant
du film cherchera le chocolat là où la mère
l'a mis. Il est incapable de voir le monde par les yeux d'un
autre. A partir de 4 à 5 ans, au contraire, le sujet
prédira que l'enfant du film cherchera le chocolat
là où il n'est pas, c'est-à-dire dans
le tiroir, puisque l'enfant du film n'est pas supposé
savoir où la mère a placé le chocolat.
Les chercheurs Cynthia Breazeal et Jesse Gray, du MIT, utilisent
des logiciels de reconnaissance des visages, des formes et
de la voix afin de permettre au robot Leonardo de se doter
d'un «cerveau» qui lui soit propre, rassemblant
une liste d'objets et d'événements identifiés
qu'il sait identifier. Quand il perçoit un nouveau
visage, il se dote d'un nouveau «cerveau» qui
traite l'information comme il le fait lui-même, tout
en voyant le monde selon le point de vue de la nouvelle personne.
Ainsi, contrairement à ce qu'il fait pour son propre
compte, Leonardo ne prend pas en compte dans le cerveau qu'il
attribue à la personne étrangère des
objets ou des évènements que celle-ci ne pourrait
pas percevoir (si par exemple elle avait quitté la
salle). Ainsi la capacité de se représenter
les croyances des autres permet à Leonardo de mieux
comprendre leurs objectifs. Ses interactions futures avec
eux seront donc améliorées.
On voit que ces recherches, non seulement conduisent à
des robots plus adaptés aux relations avec les humains,
mais permettent de comprendre les étapes du développement
cognitif chez l'enfant, développement cognitif dont
la compréhension n'a pas beaucoup progressé
depuis les observations de Piaget. A nouveau, on peut montrer
que des comportements apparemment complexes découlent
de l'interaction de mécanismes beaucoup plus simples.
Pour
en savoir plus
Le
Social Robotics Lab de Yale University :
http://gundam.cs.yale.edu/Projects.htm
Voir
aussi http://www.yaledailynews.com/articles/view/19544
Leonardo
au MIT : http://robotic.media.mit.edu/projects/Leonardo/Leo-intro.html