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Article
Les
technologies de souveraineté : usage et utilité
en temps de crise
Nous
publions à nouveau cette communication de Philippe
Grasset au séminaire “Indépendance de
l'Europe et souveraineté technologique”,
organisé par PanEurope France, Paris, les 28 et 29
avril 2004. L'actualité le suggère en effet,
à un moment ou l'actuel président français
semble intéressé par le renforcement de la souveraineté
européenne. Cette souveraineté passe nécessairement
par des programmes technologiques, où la France compte
tenu de ses réalisations passées et actuelles
devrait prendre un des premiers rôles. Bien évidemment
ce qui est écrit dans cet article à propos du
Raptor pourrait être transposé aujourd'hui au
cas du Joint Strike Dighter F.35 du même General Dynamics.
On lira sur cette question la réponse à l'intervention
d'un lecteur dans notre rubrique Courrier.
Nouus
ajoutons à ce premier article, dans l'encadré
ci-dessous, le condensé d'un
autre article de Philippe Grasset que celui-ci vient de publier
sur son site à la suite de deux déclarations
significatives faites à l'occasion du Salon du Bourget.
Celles-ci posent directement, une nouvelle fois, la question
des technologies de souveraineté et de l'attitude que
les Etats européens devraient selon nous adopter à
leur égard. AI
Introduction
1). Nous nous proposons d'évoquer la question
des “technologies de souveraineté” de
la façon la plus large possible, en appuyant surtout
sur le phénomène de souveraineté qui
fait toute l'originalité du concept. Si l'on
se réfère à la définition de
la souveraineté — j'y viendrai plus loin
— il est extrêmement rare, si ce n'est
complètement inédit, de voir un produit de
la machine et du machinisme perçu comme un outil
d'affirmation de souveraineté.
2).
Cette intervention sera faite selon une division en trois
parties : (1) la première évoque la situation
des technologies avancées au travers de l'exemple
du programme d'avion de combat F/A-22 Raptor. (2)
La seconde cherche une meilleure compréhension du
phénomène considéré par un exercice
de définition. (3) La troisième s'attache
à la situation française.
3).
Les technologies de souveraineté doivent apparaître
comme un phénomène plein de paradoxes. Le
premier d'entre eux est que les technologies de souveraineté,
regroupant en général les technologies avancées,
sont par définition fondatrices de la puissance aujourd'hui.
Parallèlement, elles sont en train d'entrer
dans une situation de crise très inattendue, qui
a la particularité de reproduire l'un des aspects
de la crise de civilisation qui nous affecte aujourd'hui.
Cette situation de crise est abordée ci-après
au travers d'un exemple fameux.
Le cas du F/A-22 Raptor
4).
Nous choisissons le cas du programme américain d'avion
de combat F/A-22 pour exposer cette situation de crise des
technologies avancées parce qu'il s'agit d'un des systèmes
militaires les plus puissants en développement, et
parce que les systèmes militaires présentent
en général les cas les plus avancés d'utilisation
des technologies.
5).
Les Américains ont mis 5 ans et 7 ans respectivement
à développer les avion F-4 Phantom et F-15
Eagle, qui sont les prédécesseurs du F/A-22
dans la mission dite de “domination aérienne”
combinant puissance et équipements technologiques
très avancés. Le programme aboutissant au
F/A-22 a été officiellement installé,
comme Advanced Technological Fighter, en 1981. Le Raptor,
au mieux, sera opérationnel en 2007-2008. Son développement
aura duré 26-27 ans, contre 5 et 7 ans à ses
prédécesseurs. Cette extraordinaire disparité
pour un programme qui n'a à aucun moment été
freiné par des interventions extérieures (réductions
budgétaires) suggère autre chose qu'une
simple dérive bureaucratique.
6).
Le F/A-22 est le produit le plus puissant et le plus avancé
de l'intégration des technologies avancées
destinées à l'armement et au combat.
C'est pourtant à ce titre que le F/A-22 connaît
des difficultés techniques, qui sont pour une part
essentielle la cause des délais qu'il a connus
et de l'incertitude entourant son avenir.
7).
Le problème du programme F/A-22 est qu'il est
à la fois incapable d'intégrer toutes
les technologies dont il dispose, et qu'il est prisonnier
de ces technologies. Son incapacité d'intégration
est accentuée par le rythme d'arrivée
des innovations technologique, qui nécessitent des
modernisations en cours de développement et accroissent
la difficulté d'intégration. Le General
Accounting Office a calculé que les changements de
conception en cours de développement ont compté
pour 37% des pannes du système général
de gestion électronique de l'avion, qui est
son principal problème.
8).
Si l'on voulait conceptualiser ces problèmes,
on dirait qu'on assiste à un développement
exponentiel des parties aux dépens du tout. Cela
renvoie à un aspect de ce que certains identifient
aujourd'hui comme une crise de civilisation : développement
exponentiel des spécialisations et raréfaction
jusqu'à l'aveuglement des visions globales
du monde.
9).
On précisera pour en terminer avec le cas du F/A-22
que la méthode maximaliste d'utilisation de
toutes les technologies avancées suivie par les Américains
n'est pas celle des Européens, moins par capacité
que par philosophie. Cela explique des différences
importantes, à l'avantage des Européens.
Définitions
10).
Nous élargissons maintenant l'analyse en passant
à la définition des technologies dans le concept
qui nous occupe. A côté des troubles nouveaux
qui les affectent, ces technologies avancées sont
génératrices de puissance selon les appréciations
modernistes de la puissance (fortement influencées
par l'américanisme). Comme le maître
de la puissance suprême est encore l'État,
c'est donc la puissance de la nation dont sont comptables
ces technologies. Elles sont par conséquent justement
identifiées comme des technologies de souveraineté.
11).
Comme on l'a vu avec le F/A-22, lorsque nous parlons
de “technologies avancées”, nous désignons
autant les technologies elles-mêmes que le processus
de leur intégration, — c'est-à-dire
un rassemblement de techniques fonctionnant comme un ensemble,
dont l'intégration est la condition sine qua
non pour provoquer un processus amenant des effets importants,
voire révolutionnaires, qui sont des ruptures de
situation. Par définition, les technologies avancées
sont mouvement, et mouvement révolutionnaire. Étant
mouvement, elles sont déstructurantes.
12).
Ayant identifié le terme “technologies”
de notre concept, nous passons à la définition
de son deuxième terme, — la souveraineté.
La souveraineté est une affirmation collective et
identitaire. La souveraineté désigne une valeur
d'enracinement, un lien entre le passé et l'avenir,
une valeur pérenne par essence. La souveraineté
tend à fixer l'éphémère,
elle est la mère des orphelins que nous sommes.
13).
Plus concrètement, plus historiquement : la souveraineté
évolue selon les situations et les comportements,
pour tenter à chaque fois d'imposer la stabilité
qu'implique la transformation d'une convergence
momentanée en une immanence. La souveraineté
fixe ce qui peut l'être dans un temps historique,
éventuellement en changeant d'objet (il y eut
la monnaie, aujourd'hui ce n'est plus un attribut
de souveraineté. Les technologies qui ne l'étaient
pas hier le sont devenues.)
14).
La souveraineté est une tentative constante, à
la fois volontaire et instinctive, d'une communauté,
d'une culture, d'une entité politique,
de marquer sa durée dans le chaos de l'histoire,
— d'imposer l'ordre au désordre.
La souveraineté, c'est donc la stabilité
contre le désordre, la fermeté de l'enracinement
contre l'entropie, la tradition qui fixe les choses
contre le désordre du mouvement qui les défait.
15).
Fondamentalement, la souveraineté est une valeur
structurante, puisqu'elle est elle-même une
structure. Par rapport aux tendances de notre temps historique,
nous remarquons aussitôt que la souveraineté
est nécessairement l'antithèse de la
globalisation déstructurante. Elle est une résistance
dans le sens historique du terme, comme il y eut une résistance
en France en 1940-45, qui se faisait implicitement au nom
de la souveraineté.
Paradoxe des technologies
de souveraineté
16).
Il y a donc dans notre concept de technologies de souveraineté
un formidable paradoxe qui est peut-être ou peut-être
pas une contradiction. Aujourd'hui, l'un des
principaux objets de la souveraineté, valeur structurante
par essence, est la technologie avancée, valeur déstructurante
par définition.
17).
Ce paradoxe est évidemment une contradiction dans
la mesure où il est une illustration de notre crise
générale, notre “crise de civilisation”,
qui se réalise dans un affrontement entre forces
déstructurantes et forces structurantes.
18).
Au contraire, s'il est bien compris au travers des
définitions précises des deux termes, ce paradoxe
peut être une arme d'une singulière souplesse.
C'est là que nous sommes conduits à
aborder la situation de la France, situation inscrite dans
le cadre européen et inspirant ce cadre européen.
Le cas français dans
le contexte européen
19).
Pourquoi la France ? D'abord, parce que ce pays est,
par rapport à la mesure quantitative de la puissance,
exceptionnellement avancé du point de vue des technologies
avancées. Il est, en vérité, par l'ampleur
de ses positions en matière de technologies avancées,
par la position de pointe de certaines d'entre elles
notamment dans l'armement, au niveau du meilleur et
parfois en avant de lui. D'autre part, la France possède,
au niveau de sa psychologie collective, une exceptionnelle
capacité d'intégration qui lui permet
de résoudre souvent le problème de l'intégration
des technologies avancées et de renforcer sa position
actuelle.
20).
A côté de cela, la France moderne, en continuation
de sa politique traditionnelle réactivée par
le général de Gaulle, a une politique fondée
sur l'indépendance, c'est-à-dire
sur l'affirmation de la souveraineté. Cette
position traditionnelle, c'est-à-dire conforme
à la tradition comme à une valeur structurante,
fait de la souveraineté le principe naturel de la
position et de la politique françaises. Cette référence
à la souveraineté explique les positions et
politiques fondamentales de la France aujourd'hui,
bien mieux que les soupçons portés contre
elle ou les procès qui lui sont faits.
21).
On comprend alors combien la France devrait être à
l'aise avec l'actuelle situation des technologies
de souveraineté : à la fois tenant une position
au niveau des techniques en attendant de voir où
mène l'actuelle crise, à la fois profitant
mieux qu'aucun autre de l'aspect de souveraineté
du phénomène. Cette position satisfaite peut
être activée de manière très
enrichissante si elle l'est dans le cadre européen,
la France “européanisant” ses technologies
avancées en affirmant le principe de souveraineté
qui les habite, pour que ce principe serve à toute
l'Europe en tant que telle lorsque l'Europe
affirme sa puissance à l'extérieur.
Le programme UCAV, lancé par les Français,
proposé en coopération européenne et
accueilli avec une très grande faveur par nombre
de pays européens (Suède, Grèce, Italie,
etc), est l'exemple parfait de cette situation.
22).
Cela signifie encore : une attitude soutenue à l'exportation,
lorsqu'une vente d'armement doit devenir la
fourniture d'un moyen d'expression de la puissance
de la souveraineté en même temps qu'un
moyen d'échange aux niveaux psychologique et
culturel. Le but conceptuel est alors de faire affirmer
aux autres la puissance technologique pour soutenir leur
souveraineté, ce qui renforce évidemment le
principe structurant de souveraineté contre les poussées
déstructurantes, essentiellement d'origine
américaniste. Par exemple, l'exportation d'un
système comme le Rafale, selon la tradition française
de coopération et de respect de la souveraineté,
s'oppose à la philosophie d'un programme
comme le JSF américain, marquée par une non-coopération
et une agression déstructurante contre la souveraineté
des acheteurs.
Conclusion
23).
Pour le reste et pour conclure, nous devons observer que
cette puissante affirmation de souveraineté dans
un outil mécanique par ailleurs en crise, est l'indication
de la crise fondamentale qui secoue notre civilisation.
Il faut le savoir, il faut en user du point de vue technologique
comme du point de vue politique tout en en tirant les leçons.
Et il faut constater ce paradoxe final que les technologies
de souveraineté, qui portent une part importante
de la crise générale que nous connaissons,
présentent également ce qui est un des remèdes
à cette crise, c'est-à-dire la notion
identitaire et structurante de la souveraineté.
|
L'Europe et sa logique de puissance
http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=4133
Philippe Grasset, 24/06/07
On
sait que Nicolas Sarkozy et les Français se sont
battus à Bruxelles pour tenter de limiter dans
le texte du Traité européen l'emprise
de la compétition et de la concurrence sans entraves.
On a vu derrière cette démarche une préoccupation
sociale que l'on s'est empressé de mettre en
exergue. Ce n'est pas le plus important, tant s'en faut.
La vérité est que la défense de
certaines entreprises contre les attaques de la libre-concurrence
qui permettraient leur rachat par la seule mécanique
du marché concerne en priorité non la
protection sociale, mais la puissance de l'Europe. C'est
la thèse de la protection des “champions
économiques” ou celle de la défense
des “technologies de souveraineté”,
dont nous estimons qu'elles jouent un rôle fondamental,
d'une part pour la défense des peuples en temps
de crise, d'autre part pour l'identité des peuples
en temps de crise —ceci, somme toute, équivalant
à cela.
En même temps que se passait le psychodrame de
Bruxelles, deux nouvelles venait d'être ou étaient
publiées.
D'une part, la déclaration dans le
Financial Times du 19 juin de Bob Stevens, patron
de Lockheed Martin, d'une extraordinaire impudence si
l'on se place du point de vue du bon sens, de la logique,
de l'intelligence, de la dignité et de l'habileté
politique ("Lockheed chief warns Europe").
Pas une de nos grandes voix européennes n'a réagi.
Pourtant l'Américain nous dit qu'il n'est pas
question que se développe une industrie européenne
de l'armement indépendante et souveraine, que
les Européens sont tout juste autorisés
à se coordonner en fonction des règles
et les exigences des USA. Cet avertissement vient du
représentant de la soi-disant plus grande puissance
de l'Histoire qui dépense $750 milliards par
an pour sa défense, qui n'est pas capable de
soumettre en quatre ans un pays exsangue de 25 millions
d'habitants et qui est même sur le point d'y recevoir
une raclée mémorable, qui enfin n'est
pas capable de fabriquer un avion de combat (le JSF)
sans que le délai de production double et le
prix quadruple par rapport aux prévisions de
départ.
D'autre
part la confusion chez EADS, suite à des déclarations
au Financial
Times-Deutschland du 22 juin du co-Directeur Général,
l'Allemand Tom Enders, atlantiste convaincu et fervent
adepte des lois du marché. Ces déclarations
portaient sur le fait que la direction d'EADS “examinait”
l'état de ses avoirs, — s'en débarrasser
ou pas, selon les intérêts du marché
boursier et des orientations soi-disant stratégiques,
— et, parmi eux, les parts (46%) d'EADS dans la
société Dassault. Ces parts représentent
la participation de l'Etat français dans cette
société. La réaction française,
par la voix de l'autre co-Directeur Général
d'EADS, Louis Gallois, a été instantanée
et très ferme. Enders a fait marche arrière,
parce qu'en ce moment Berlin ne peut se passer du soutien
de Paris dans ses manœuvres européennes.
La logique boursière des autres “Européens”
La légèreté et le style “investisseur
boursier” avec lesquels parle Enders concernant
le sort de la part d'EADS dans Dassault sont stupéfiants.
L'impression retirée est que ces gens n'ont aucune
conscience politique de rien, qu'ils n'ont aucune véritable
connaissance de ce que Dassault représente du
point de vue industriel et technologique d'une part,
du point de vue politique et stratégique de l'autre,
ceci pour la France mais aussi pour l'Europe. C'est
l'“esprit du marché” (marché
libre, s'entend) complètement déchaîné,
avec comme seule conscience et comme seule connaissance
des choses et des êtres la valeur boursière
à son niveau le plus primaire.
Etonné, ou semblant l'être, le même
article du même journal rapportent ceci :
« Dassault is an issue which the French government
watches like a hawk,” said one person familiar
with the company. “One wrong nuance in public
statements can get you in trouble, regardless of how
small the mistake may actually be.” Dassault is
the sole supplier of combat aircraft to the French air
force.»
La question n'est pas tant de débattre de la
possibilité ou pas de cession de ces 46% de Dassault,
que de considérer la différence d'état
d'esprit qu'on met ici en évidence. Cette différence
sépare fondamentalement la partie française
et la partie allemande, aussi bien chez EADS que dans
les élites politiques. L'état d'esprit
français considère d'abord la valeur d'une
chose en fonction de son rapport à la souveraineté
et à l'indépendance. Ces concepts sont
pratiquement inconnus du côté allemand.
Il est évident qu'un rapport avec la société
Dassault, qui est l'une des premières sociétés
du monde en matière d'avions de combat et de
systèmes électroniques, est nécessairement
un rapport dont les références d'évaluation
absolument prioritaires sont la souveraineté
et l'indépendance.
Cet épisode rapporté par le FT doit évidemment
être confronté aux deux autres éléments
signalés plus haut : la volonté française
que l'“esprit du marché” ne soit
plus la règle absolue de la vie économique
et politique de l'Europe d'une part, la volonté
américaniste de réduire totalement l'industrie
européenne d'armement à une position vassale
de sous-traitance. Il n'est un secret pour personne
que Dassault est, depuis des années sinon des
décennies, dans la ligne de mire américaine.
Un objectif prioritaire pour les USA consiste à
détruire cette société ou tenter
d'en prendre le contrôle. Or cette hypothèse
qui semblait impensable (“en prendre le contrôle”)
apparaît du domaine du possible dans l'esprit
de certains à la lumière des déclarations
incroyablement légères d'un Enders (avec
l'accord de «many investors»).
Certes, la perspective même théorique d'une
“prise de contrôle” de Dassault serait
dans l'état actuel des choses ressentie par le
gouvernement français comme un acte de guerre.
Il l'interdirait, pourrait-on dire d'une façon
imagée, si nécessaire par la force. Mais
dans l'immédiat c'est la question de l'avenir
de EADS qui est posée. Une bataille terrible
est engagée qui n'a rien à voir avec la
position financière de cette société
et ses erreurs de gestion. Les Français sont
ou seront conduits à admettre que le “mariage”
avec les Allemands dans ce domaine stratégique
est une erreur de première dimension. La coopération
européenne et l'axe franco-allemand sont une
bonne chose tant qu'on en excepte les vraies choses
sérieuses que sont la souveraineté et
l'indépendance.
Le sommet de Bruxelles a, bon gré mal gré,
déplacé au centre de la réflexion
et de la bataille politiques la question de la protection
structurelle de ce qui fait la puissance européenne,
— ou, mieux dit, de ce qui fait la puissance des
quelques nations qui existent encore au sein de l'ensemble
européen. Il est très probable que ce
domaine va être, dans les prochains mois et les
prochaines années un terrain de grand affrontement.
Débarrassés d'une certaine façon,
par la récente élection présidentielle,
de leur complexe du “repli frileux” (pour
cause de non-alignement sur la pensée unique
européenne), les Français devraient se
battre avec rage pour reprendre le contrôle des
quelques attributs souverains qu'ils ont aventurés
dans la “coopération européenne”,
EADS compris.
Cette coopération pourra et devra se faire, mais
sous strict contrôle des puissances nationales
et armée d'un rideau de protection contre les
attaques financières des forces extérieures
tentant d'investir par l'argent ce qu'elles sont incapables
de réduire par la seule qualité de leurs
produits. Un « complexe de forteresse»
? Sans aucun doute, avec le mot “complexe”
pris dans son sens d'organisation militaire. Le modèle
à suivre à cet égard est, —
employons l'expression pour une fois qu'elle est justifiée,
— le “modèle américain”.
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