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Intelligents s'enrichit du logiciel
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Article
Les
recherches européennes dans le domaine des robots orientés-émotions
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin 25/06/07
Après le programme ECAgents http://ecagents.istc.cnr.it/,
dont nous avions rendu compte et qui s'intéresse particulièrement
à l'émergence de la communication et des langages
entre robots interagissant entre eux et avec les humains,
la commission Européenne a décidé d'aborder
directement le domaine, sans doute encore plus complexe, des
robots évolutionnaires plongés dans notre vie
quotidienne.
Nous avons plusieurs fois regretté le retard que prenaient
les laboratoires européens dans ces voies de recherche
en plein développement, notamment en Asie (Japon, Corée)
pour ce qui concerne les robots dits de compagnie ou de service
et aux Etats-Unis pour ce qui concerne les robots militaires
ou d'application duale (comme les véhicules robotisés
capables de couvrir des distances de centaines de miles sans
assistance). Les sommes consacrés à ces thèmes
par ces pays, dont nous ne pouvons faire le total ici, sont
considérables. Ce n'est pas une raison pour dédaigner
ce que pourront faire à l'avenir les Européens,
d'autant plus que beaucoup d'entre eux disposent d'un savoir-faire
conceptuel important. On avait noté par exemple ces
dernières années que Sony avait localisé
à Paris son laboratoire Sony-CSL, responsable des principaux
développements du chien Aibo et aujourd'hui en charge
d'autres études avancées dans le domaine de
la robotique évolutionnaire.
Il est donc intéressant de présenter le projet
européen Feelix-growing (http://www.feelix-growing.org/)
qui vient de débuter et qui comporte plusieurs partenaires
français. Nous dirons un mot ensuite de l'association
Humaine, Human Machine Interaction on Emotion, (http://www.emotion-research.net/)
qui vient d'être créée par une trentaine
de groupes de recherche internationaux, avec la participation
du CNRS, à la suite d'une réunion en juin à
Paris. Dans les deux cas, les recherches visent à développer
des robots interagissant avec des humains dans un certain
nombre de situations quotidiennes. Il est donc nécessaire
de les doter d'une sensibilité émotionnelle,
les rendant capables de comprendre et d'exprimer des émotions
dans les «langages» développés depuis
des millions d'années par les animaux et les hommes.
Ces communications émotionnelles ne remplaceront pas
celles provenant d'échanges langagiers verbaux, mais
les compléteront et les enrichiront. On parle désormais
non plus seulement de robots parlants mais d' «émorobots»
.
Il faut rappeler, à l'attention de tous les réductionnistes
qui prétendent que le langage et les émotions
ne peuvent apparaître chez des machines qu'à
condition d'être programmés pas à pas
par des ingénieurs, que ces capacités rapprochant
de plus en plus les robots des animaux et des hommes résultent
d'un auto-apprentissage du robot en situation. Dans le premier
cas, on obtenait le robot Aibo qui remuait la queue quand
on lui caressait la tête (source d'ailleurs d'intense
émotion chez son possesseur) parce que les programmeurs
de Sony avaient programmé cette fonction parmi des
centaines d'autres. Dans l'autre cas, le robot apprend de
lui-même, comme le fait un animal ou un enfant, au cours
d'un processus éducatif comportant punitions et récompenses,
à associer des signaux reçus du monde extérieur
(mimiques, regards, gestes, tons de la voix, voire odeurs
corporelles) à tel ou tel de ses états internes,
et à répondre par ses signaux à lui,
au risque évidemment de se tromper et de devoir se
corriger.
Nous
sommes là dans le vaste domaine de la programmation
génétique ou évolutionnaire, permettant
à une machine dotée d'un nombre suffisant de
capteurs, effecteurs et unités de mémoire, de
commencer à se comporter comme un organisme vivant
simple faisant ses premiers pas dans la vie. Cette hypothèse,
banale pour un roboticien moderne, est encore considérée
comme une hérésie par ceux qui associent la
vie, la sensibilité et finalement l'évolution
et l'adaptation dite "intelligente" à l'intervention
d'une force extérieure d'origine divine, ou –
ce qui revient au même pour les croyants - à
une force d'origine humaine, l'homme en ce cas étant
considéré comme doté de pouvoirs extra-matériels
dont il aurait seul sur Terre l'exclusivité.
Les robots étudiés dans les programmes évoqués
ici sont évidemment fort loin de disposer de conscience
artificielle. Mais en théorie, rien n'interdit cette
perspective. Le grand spécialiste des sciences cognitives
Douglas Hofstadter vient de publier un ouvrage «I
am a strange loop», Basic Books, 2007 (voir
notre recension), où il démontre par analogies
que le Moi supposé conscient et libre de ses décisions
peut très bien émerger d'interactions entre
contenus cérébraux qu'il avait déjà
qualifié dans son œuvre fondatrice Gödel,
Escher, Bach de «Boucles étranges ou hiérarchies
enchevêtrées» (pages 770 et suivantes de
l'édition française de 1985). Nous pouvons retenir
l'idée que les projets européens intéressant
les «émorobots» visent à permettre
à ceux-ci de construire spontanément des «boucles
étranges». Ceci sous une pression de sélection
très simple : ceux qui n'y arrivent pas, au terme de
nombreux processus d'essais et erreurs, n'ont pas de perspectives
de survie.
Le projet Feelix growing
FEEL, Interact, eXpress: a Global appRoach to develOpment
With INterdisciplinary Grounding. Financé par la Commission
européenne (contract FP6 IST-045169, Décembre
2006 - Mai 2010). Budget: 2.5 million €.
Objet du projet (Adapté du Project
summary http://www.feelix-growing.org/node/3
)
Pour intégrer les robots à un environnement
humain où ils pourront rendre des services (aide
aux personnes, monitoring et surveillance, loisirs), il
ne suffit pas de prendre des produits livrés sur
étagère pour les plonger directement dans
la vie sociale. L'adaptation à un milieu complètement
inconnu et changeant, la capacité d'ajustement aux
caractéristiques bien définies de partenaires
humains, nécessitent des dispositions qui ne découleront
que d'un apprentissage à long terme, analogue à
celui que reçoivent les enfants, mais se déroulant
dans des délais bien plus courts.
Le projet consiste à explorer sur le mode interdisciplinaire
et de façon intégrée et globale le processus
d'un développement en société, conçu
comme riche, flexible, autonome et tournée vers les
besoins de l'utilisateur humain. Dans ce but, le projet se
fixe plusieurs objectifs :
-
Définition
de scénarios intégrant les principaux enjeux
et la typologie des problèmes rencontrés par
des agents autonomes (biologique et robotiques) socialement
situés.
- Etude
des rôles de l'émotion, de l'interaction, de
l'expression et de leurs interconnections au sein de systèmes
robotiques socialement situés, de façon à
améliorer les capacités de ceux-ci dans les
domaines énumérés ci-dessus, puis tester
dans le cadre des scénarios prédéfinis
les aptitudes qu'ils auront acquises.
- Intégration
de ces aptitudes dans au moins 2 systèmes robotiques
différents et étude des répercussions
en découlant sur les disciplines-mères impliquées.
- Identification
des requisits et des étapes permettant d'obtenir des
standards pour la définition des scénarios et
la typologie des problèmes, les métriques d'évaluation,
la réalisation de plateformes robotique dotées
de technologies pouvant être mises de façon réaliste
au contact du public dans la vie quotidienne.
L'approche hautement interdisciplinaire de Feelix Growing
conjugue les théories, les méthodes et les technologies
provenant de la psychologie du développement et de
la psychologie comparée, de la neuro-imagerie, de l'éthologie
et de la robotique autonome et évolutionnaire. Le projet
vise à produire des résultats significatifs
pour la communauté scientifique dans deux domaines.
D'une part, les recherches conduites exploreront les questions
encore peu étudiées découlant de l'interaction
croissante entre des technologies de plus en plus nombreuses
et des humains dont les réactions restent mal comprises,
que ce soit dans les robotiques de loisirs, d'aide au développement
et à la réhabilitation thérapeutique,
des services. D'autre part, l'effort résolument interdisciplinaire
entrepris permettra d'établir des collaborations à
long terme entre les disciplines et les laboratoires.
Les
partenaires (http://www.feelix-growing.org/node/4)
On dénombre six partenaires6, représentant plusieurs
pays européens. Certains regroupent plusieurs laboratoires.
La participation française est notable (voir encadré
ci-dessous). Il faut s'en féliciter, après avoir
longtemps déploré dans nos colonnes le peu de
motivations des chercheurs français - ou ce qui est
pire des comités de financement - pour de tels sujets.
Bornons-nous seulement à signaler la PME Aldebaran,
qui seule dans ce groupe conjugue la recherche, les applications
et l'approche commerciale, avec le robot Nao (voir http://www.aldebaran-robotics.com/.
On lira également à ce sujet notre
actualité (20 janvier 2007).
|
The French National Centre of Scientific Research (CNRS)
created in 1936 and monitored by the Ministry of National
Education and Research, is the largest non-profit French
Research Centre. Partner 2 is composed of a group of
scientists working in the Emotion Centre of the CNRS
Unit 7593, hosted in the Hospital La Salpetriere and
associated to University Pierre & Marie Curie. CNRS
unit UMR 7593, laboratory Adaptation, Vulnerability
and Psychopathology, is devoted to designing research
in various aspects of human psychopathology, developing
animal models of specific psychopathologies (i.e. mice
models of leucomalacia of premature newborns, of depression
syndrome, of Korsakoff syndrome) and promoting clinical
applications of the research findings via the use of
modern technologies such as virtual environments for
agoraphobia or anhedonia, and robotic tools for clinical
remediation in autism. In this CNRS unit, Jacqueline
Nadel supervises all the programs concerned with psychopathological
development.
CNRS Unit 7593 Team: Jacqueline Nadel, Stephanie Dubal,
Philippe Fossati, Arnaud Revel, Robert Soussignan, Pierre
Canet.
The Neurocybernetics team is a research
group within the laboratory ETIS (Equipes de
Traitement des Images et du Signal), attached
to Cergy Pontoise University and ENSEA (Ecole Nationale
Superieure d\'Electronique et ses Applications). The
group carries interdisciplinary research in cognitive
sciences, simulation of adaptive behavior, autonomous
robots, epigenetic robotics, dynamical behavior, learning,
neurobiological modeling, collective intelligence, and
socially intelligent robots, with the goal of understanding
the cognitive mechanisms used by animals and humans
to learn how to survive in a given environment. Of particular
relevance to this project is the study of learning and
intelligence within a developmental perspective, to
model the developmental sequence of young infants (from
birth to a few months old) and learning and communication
via imitation.
UCP ETIS Team: Philippe Gaussier, Pierre Andry, Matthieu
Lagarde, Matthias Quoy, Philippe Laroque, Laurence Hafemeister.
ALDEBARAN Robotics is a French SME
based in Paris and launched in July 2005. The company
specializes in the development of small-size entertainment
humanoid robots and the related business development
and has already defined kinematic architecture of the
robot, and developed an operational prototype. Design
has been protected (protected model), and patents on
the mechanical parts are in process. Currently Aldebaran
is developing Nao, a 57cm-tall humanoid entertainment
robot with various interactive and affective capabilities.
Bruno Maissonier is Aldebaran Robotics founder and Managing
Director.
Aldebaran Team: Bruno Maisonnier, Fabien Bardinet,
David Gouailler, Jean Semere, Jean-Christophe Baillie,
Bastien Parent.
|
|
Le
réseau HUMAINE
HUMAINE (Human-Machine Interaction Network on Emotion)
est un réseau d'excellence établi au sein du
6e Programme cadre européen de recherche, dans la section
des technologies de la société de l'information
IST (Information Society Technologies) Thematic Priority IST-2002-2.3.1.6
Multimodal Interfaces.
Le contrat dédié au réseau (Contrat no.
507422) a débuté le 1er janvier 2004 pour une
durée de 4 ans. Il associe 33 partenaires dans 14 pays.
Le travail est donc largement entamé. Il a pris de
nombreuses directions et ne peut être résumé
ici. On se rendra sur le site pour apprécier ses développements.
La page Start permet de suivre un fil conducteur http://emotion-research.net/aboutHUMAINE/start-here
Pour résumer la présentation du programme, nous
indiquerons simplement qu'il a pour ambition de fonder le
développement en Europe de systèmes qui puissent
enregistrer, modéliser ou influencer les états
émotionnels chez l'humain. On parlera de systèmes
«orientés-émotions». On soupçonne
que de tels systèmes peuvent avoir un rôle important
dans les futurs interfaces hommes-machines mais leur potentiel
réel est encore trop peu étudié pour
qu'apparaisse clairement la meilleure façon de les
développer.
Ce déficit d'études tient une nouvelle fois
à la dispersion des disciplines qui s'intéressent
aux différents aspects d'une approche nécessairement
complexe. Le réseau HUMAINE vise donc à rapprocher
les meilleurs experts des disciplines concernées. Six
thèmes transdisciplinaires ont été identifiés,
dans lesquels des recherches nouvelles ont été
engagées: la théorie des émotions, les
interfaces prenant la forme d'échanges de signes ou
signaux, la structure des interactions à consonance
émotionnelle, l'émotion dans la cognition et
l'action, l'émotion dans la communication et la persuasion,
les usages possibles des systèmes orientés-émotion.
Les équipes en charge de chacun de ces thèmes
mettent en place des groupes de travail et proposent des guides
de développement. Des sessions plénières
permettent de faire des états des lieux transdisciplinaires.
Différentes aides au développement, bases de
données, points de réflexion éthiques
et de bonne pratique sont élaborées.
Observation
Il
n'existe pas encore malheureusement de synthèses générales
permettant aux non-spécialistes de se rendre compte
des avancées conceptuelles et pratiques de cet ensemble
de recherches. De même, les conséquences à
en tirer pour la réflexion philosophie et politique
intéressant les relations entre les humains et les
robots émotionnels restent encore de l'appréciation
de chacun de ceux qui se seront donné la peine de naviguer
dans les publications. C'est tout à fait dommage, car
face aux chercheurs américains et japonais qui savent
beaucoup mieux communiquer, y compris en présentant
des robots anthropomorphes parfois très rustiques,
la recherche européenne continue à passer largement
inaperçue des décideurs et du grand public.
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