Deux
dimensions lorsqu'on évoque les nanotechnologies au niveau
européen
D'abord, lorsque l'on évoque les nanotechnologies au
niveau européen, il y a deux dimensions qui se dégagent.
Tout d'abord une dimension, mondiale.Dans ce monde globalisé,
une révolution technologique comme celle-ci peut être
difficilement circonscrite à une région, ou même
à plusieurs régions du monde : elle concerne l'ensemble
de la planète. C'est dans cette perspective qu'il faut
se situer pour bien analyser ce que l'on doit faire.
La deuxième dimension est bien sûr la dimension
intra-européenne, avec la question de savoir comment
agir au mieux au niveau européen.
Du fait de potentialité d'omniprésence, il faut
considérer les nanotechnologies ou nanosciences ou nanoparticules
dans la globalité de la planète.

Cette
vue présente quelques applications : médecine
et santé ; technologies de l'information ; production,
stockage de l'énergie ; science des matériaux
; nourriture, eau, environnement ; instrumentation ; etc.
Donc, virtuellement, au jour le jour, les nanotechnologies peuvent
toucher tout notre environnement.
Et
dans ce contexte, on désire que les nanotechnologies
soient au service des citoyens européens. On veut ensuite
qu'elles soient au service de la compétitivité
industrielle de l'Europe. Mais on veut aussi que les nanotechnologies,
et tout ce qui pourrait en dériver, soient au service
du développement durable.
Les
nanotechnologies, ce sont aussi le nano business :

Cette
courbe montre l'évolution prévue des marchés
en milliards de dollars américains, pour les 10 prochaines
années. On peut distinguer un scénario optimiste
et un autre pessimiste. Dans l'optimiste on arrive avec des
prévisions de l'ordre de 3000 milliards de dollars en
2015.
L'argent est une chose mais derrière ces marchés,
il faut considérer les emplois. Et cette courbe suit
à peu celle de la croissance des marchés :

Donc
dans ce domaine, il est extrêmement important que la Commission
structure son action pour favoriser le développement
des nanotechnologies et des nanosciences en Europe. Il est hors
de question que nous laissions le reste de la planète
profiter des bénéfices du secteur sans que nous-mêmes,
Européens, puissions profiter de ce que les nanotechnologies
peuvent apporter.
La Commission européenne a ici un rôle particulièrement
important à jouer pour mettre en place une bonne coordination
et la mise en place de synergies, assurer entre les Etats membres
une certaine recherche d'efficacité dans les politiques
menées par l'Union européenne. Si la recherche
s'inscrit dans les activités communautaires, beaucoup
d'autres activités communautaires existent, par exemple
un groupe interservice (GIS NS & NT) qui réunit toutes
les composantes, toutes les politiques de la communauté
et dans lesquelles les nanos sont abordées.
Enfin, nous devons également opérer une synergie
au niveau international (bi/multilatéral, discussions
avec l'OCDE, l'UNESCO...).
Une
autre composante est également la synergie avec d'autres
porteurs d'enjeux (société dans son ensemble,
consommateurs, industriels, assurances...).
Les
objectifs communautaires en matière de nanotechnologies
Nous poursuivons deux principaux objectifs en matière
de nanotechnologies, mais je dirais qu'il s'agit en fait d'un
seul objectif, dual :
- Le premier est de tirer le meilleur parti des nanosciences
et nanotechnologies grâce au développement d'un
plan efficace dans le domaine,
- Le second est d'améliorer la relation entre science
et société, de construire une relation harmonieuse
entre les deux.
Pour cela, toujours en matière de nanotechnologies, la
Commission a produit deux documents : le premier en 2004 (pour
débattre avec les Etats membres et avec tous ceux qui
souhaitaient y contribuer) et, en juin 2005, un plan d'action
grandement structuré autour de nos capacité de
recherche et de développement technologique.

Ce
plan comprend 7 axes [voir
http://cordis.europa.eu.int/nanotechnology/actionoplan.htm]
:

Le
premier est la recherche, mais nous réfléchissons
aussi sur les aspects liés aux infrastructures, à
l'éducation, à l'innovation, aux questions sociétales.
Nous prenons également en compte la coopération,
la réglementation internationale et la coopération
internationale. Et cet ensemble doit converger vers des buts,
tels que la qualité de la vie, le respect des principes
éthiques, la compétitivité industrielle,
la création de richesses pour l'Europe, les nouveaux
emplois, les objectifs de Lisbonne - c'est-à-dire créer
une société basée sur la connaissance,
qui soit riche en emplois de bonne qualité -, et puis
les autres objectifs de l'Union européenne, bien évidemment.
Pour
cela, et je le rappelle à nouveau, il y a une mise en
complémentarité et synergie des acteurs. Ces acteurs
sont relativement nombreux et j'en ai cité quelques-uns
sur le graphique : Commission Européenne, Etats membres,
industries, monde académique, société civile,
centres spécialisés, banques, ESF, EIB/EIF, etc.
Donc
vous voyez que ce n'est pas uniquement la Commission qui est
concernée par ce plan d'action, mais elle invite l'ensemble
des acteurs à travailler en synergie.
La
mise en oeuvre du plan d'action
Pour
mettre en oeuvre ce plan d'action, et optimiser son impact,
il nous faut disposer de deux choses essentielles : des moyens
financiers conséquents et une bonne gouvernance.
Des
moyens financiers
Pour
ce qui est des moyens financiers, le diagramme suivant présente
le 6ème Programme-cadre de recherche (6e PCRD), pour
la période 2002 à 2006. L'effort sur les nanotechnologies
y a été de 370 millions d'euros en 2004, 470 millions
d'euros pour 2005 et, pour 2006, un montant estimé de
500 millions d'euros, soit un total de 1,3 milliards d'euros
pour l'ensemble du programme-cadre.

Catherine
Bréchignac, directrice du CNRS en
a déjà parlé lors de la première
table ronde mais je vous présente, maintenant sous
forme graphique, les efforts de recherche et de développement
en matière de nanotechnologies dans le monde : Union
européenne, Etats-Unis, Japon et reste de la planète.

Les
Etats-Unis viennent en tête devant l'Europe, elle même
placée devant le Japon. Comme l'a également déjà
signalé Catherine Bréchignac, ce graphique montre
un gros déséquilibre de la part de l'Europe sur
l'investissement privé (en jaune sur le graphique), par
rapport aux sommes privées investies aux Etats Unis,
et qui représentent en ce domaine à peu près
le double des montants consentis par le vieux continent.
Il
faut également rappeler l'évolution rapide de
ces chiffres : la Chine produit déjà par exemple
plus de publications scientifiques que l'Europe sur les nanos.
Ceci montre qu'il y a là-bas une croissance extrêmement
rapide dans ce domaine.
Voici
maintenant les chiffres du 7e programme cadre :

Le
7e programme cadre de recherche et de développement technologique
(PCRD) est un instrument financier qui va couvrir la période
2007 à 2013, donc 7 ans. Il est calculé sur les
perspectives financières communautaires. Son enveloppe
financière a été beaucoup augmentée
par rapport à celle du 6e programme, à peu près
de 40%, soit une enveloppe de 50,521 milliards d'euros qui sera
investie dans la recherche, en Europe, sur ces 7 ans.
Au sein de cette enveloppe, 3425 millions d'euros concernent
l'ensemble "nanosciences, nanotechnologies, matériaux,
nouvelles technologies de production" sur la période
(400 millions d'euros pour l'année 2007).
Vous voyez également en bleu dans ce tableau la partie
ayant trait à Science et société (330 millions
d'euros sur 7 ans). Car si dans notre partie Gouvernance et
Ethique (SIS) on peut réfléchir sur certaines
façons de mieux faire de la gouvernance, il est aussi
important pour nous de travailler avec d'autres collègues
(en l'occurrence ceux des SIS) et qui disposent d'une enveloppe
pouvant concerner les nanotechnologies.
Toujours
pour les nano, comparé au 6e programme-cadre, le nouveau
programme représente à peu près un doublement
des financements des recherches du domaine.
Une
bonne gouvernance
Si
les moyens financiers sont fondamentaux, la gouvernance l'est
tout autant. Je vous rappelle l'extrait du discours du Commissaire
à la recherche Janez Potocnik prononcé le 11 janvier
dernier :
"Les partenariats européens pour la croissance
et l'emploi sont basés sur :
- une orientation des politiques vers plus de connaissance,
- une amélioration de la gouvernance de façon
à ce que tout le monde participe"
J'aime
cette idée-là parce qu'effectivement, on retrouve
ces deux composantes dans la lignée des objectifs de
Lisbonne,: chacune des politiques doit aller vers un contenu
renforcé en matière de connaissance , il faut
également une évolution sur la manière
dont on conduit ces politiques. En l'occurrence, Janez Potocnik
pensait aux Etats-membres. Mais l'idée maintenant n'est
plus tellement de faire de la politique mais de la gouvernance.
Pourquoi
s'intéresser à la gouvernance ? Je pense que l'histoire
nous montre que la science n'a pas toujours été
ce qu'elle est aujourd'hui. Sur la totalité de notre
période historique, la science n'a été
finalement que quelque chose de marginal : ce n'est que dans
les quelques derniers siècles qu'est apparue l'intervention
grandissante de la science dans la société. Ensuite,
le poids de la science et de la technologie n'a fait qu'augmenter.
Et c'est en fait au cours du XXe siècle que la science
est devenue omniprésente. Ceci impose désormais
une autre façon de réfléchir.
Je vous livre ici un passage du livre "Le Principe responsabilité
- éthique pour la civilisation technologique" (1979)
de Hans Jonas :
"...excès de notre "pouvoir faire " comparé
à notre "pouvoir, prévoir et évaluer".
Sur cet idée-là, Hans Jonas a bâtit toute
une éthique du futur, sur laquelle s'est aujourd'hui
formé le principe de précaution.
Ceci pour vous dire que plus de science, maintenant, n'impliquera
pas forcément une réduction ou une correction
entre ce déséquilibre en faveur du "pouvoir
faire" . Il faut plus de science, pour connaître
davantage. Mais pour équilibrer les pouvoirs, il faut
aussi une meilleure gouvernance. Et c'est ce que nous nous attachons
à réaliser au niveau de la Commission et de notre
unité.
Pour moi, cette meilleure gouvernance passe par quatre principes
essentiels :