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Rapport
de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques
et Technologiques (OPECST) sur
« Les grands domaines programmatiques
de la politique spatiale du futur ».
Débat sur le spatial de défense et les
Vols habités.
Compte-rendu
résumé de la présentation
faite
à l'Assemblée Nationale le 7 février
2007
Synthèse par Jean-Paul Baquiast
|
Le
rapport est publié sur le site de l'assemblée
nationale, accompagné de "50 recommandations
pour une politique spatiale française et européenne
audacieuse" http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i3676.asp
Présentation
Introduction
par François Goulard, ministre délégué
à l'Enseignement supérieur et à la
Recherche.
L'opinion
européenne s'intéresse peu à l'espace.
Il en est de même en France. Aucun candidat aux élections
présidentielles n'en a encore parlé. Or il faut
aborder ce sujet au plan politique le plus élevé.
Il faut donc rendre hommage aux parlementaires membres de
l' OPECST, dont le dernier rapport en date sur ce sujet vient
d'être déposé. Pour prendre conscience
de la nécessité d'une politique spatiale européenne,
il suffit de regarder ce que font les autres grands pays :
USA, Chine, Inde, Russie. L'Europe doit en être.
La période actuelle est favorable. Elle est marquée
par de bons résultats européens : carnets de
commande satisfaisants en matière de lanceurs et satellites,
succès des missions multilatérales, reconnaissance
du besoin d'une préférence européenne
en matière de lanceurs (confirmée par le Pt
Chirac concernant les missions nationales).
L'année
2007 sera marquée par des évènements
majeurs pour l'Europe : notamment le lancement du véhicule
de liaison ATV Jules Verne et la tenue du Conseil européen
de l'espace le 22 mai, associant l'Union européenne
(UE) et l'ESA. La politique spatiale européenne pour
les prochaines années y sera définie.
Il
est donc particulièrement nécessaire de réaffirmer,
comme le fait le rapport de l' OPECST, l'ambition
des objectifs que l'Europe doit se fixer. Deux domaines
méritent particulièrement d'être
soulignés.
Le
rapport insiste d'abord sur l'importance
des vols habités. L'année 2007
sera pour l'Europe celle du lien renoué avec
l'ISS (Station spatiale internationale). L'Europe
ne doit pas, quel que soit l'intérêt
des vols automatiques, exclure les vols habités.
Le coût en est lourd financièrement mais indispensable
à la cohérence d'ensemble du projet
spatial européen. La France qui a toujours soutenu
les ambitions européennes doit persister à
jouer ce rôle.
Le
rapport examine aussi l'importante question
de la sécurité-défense. Il
faut se persuader qu'en ce domaine, la plupart des
programmes sont duaux (pouvant servir simultanément
des objectifs civils et militaires). La France le sait en
ce qui la concerne. Mais l'Europe reste à convaincre,
notamment concernant les programmes Galiléo et GMES.
Dans ce domaine, une coopération entre les gouvernements
et les Agences européennes s'impose.
Présentation
du rapport par le sénateur Henri Revol, président
de l'Office
L'Office
ne s'autosaisit pas. En matière d'espace, il a été
saisi en 2005 par le Sénat. Il s'agit de la 3e saisine.
En 1991 les recommandations de synthèse présentées
pour 2001 ont toutes été suivies. Le présent
rapport a été précédé par
de nombreuses réunions et auditions. Le comité
d'experts qui a été organisé à
cette fin a été validé par les élus.
Les 50 recommandations du rapport ont été approuvées
par les parlementaires par 49 voix et une abstention.
50
ans après le lancement du Spoutnik, les technologies
spatiales ont connu un développement jamais rencontré
jusqu'ici dans l'histoire de l'humanité.
La France a été le fer de lance de la participation
de la nation puis de l'Europe à ce développement.
Elle l'a fait avec des moyens en général
et selon les domaines 10 à 20 fois moins importants
que ceux de ses concurrents.
Or malgré un bon état de santé apparent,
l'Europe piétine aujourd'hui face à
ces derniers, auxquels se sont joints de nouveaux entrants.
D'ici à 2008, le spatial européen sera
à un tournant. De multiples décisions sont
à prendre, couvrant les 50 prochaines années.
Les recommandations du rapport proposent une vision franco-européenne
pour l'espace. Le mot de vision est intentionnel.
Il marque la volonté d'ambitions larges et
audacieuses. Selon le mot du Premier ministre Dominique
de Villepin en Roumanie, il faut à l'Europe
de grands projets marqués par l'audace, l'imagination
et le courage.
Présentation
du rapport par le député Christian Cabal,
président du Groupe Parlementaire de l'Espace
Le
parlement éprouve le besoin de se projeter dans l'avenir.
Il n'a pas sur l'espace le même point
de vue que les spécialistes, en ce sens qu'il
intègre la problématique sociétale.
La politique lancée à cette fin depuis des
décades a porté ses fruits. La France s'y
est montrée en avance par rapport à de nombreux
pays, notamment européens. Mais l'effort est
à prolonger et développer. Il s'agit
d'une question de société.
Aujourd'hui beaucoup de pays hors d'Europe l'ont
compris et s'intéressent à l'espace.
L'Europe rétrogradera si elle ne progresse
pas. De plus, les investissements ne sont plus aujourd'hui
seulement le fait des agences publiques. Beaucoup d'initiatives
privées s'y manifestent, notamment aux Etats-Unis.
Il ne faut pas les prendre à la légère.
Là aussi, il faut être présent afin
de ne pas laisser d'autres s'approprier un domaine
qui produira beaucoup de connaissances et de retombées
économiques.
Ceci pose la question de savoir à qui appartient
l'espace. Le Cnes et l'ESA étudient ce
que pourrait être une Loi sur l'espace. Il convient
de définir les termes d'une gouvernance spatiale
en ce qui concerne l'Europe. Le Cnes doit être
le principal acteur français au service de celle-ci.
Pour cela, son budget doit être augmenté régulièrement.
Dans tous les domaines, y compris en ce qui concerne les
services spatiaux, les crédits publics sont nécessaires.
On ne peut compter sur le seul secteur concurrentiel pour
répondre aux besoins institutionnels, Ceci est particulièrement
évident concernant les deux domaines qui vont être
examinés lors de cette présentation, le spatial
de défense et les vols habités.
Première
partie. Le spatial de défense. Quelles perspectives
en France et en Europe ?
Jean-Jacques
Dordain, directeur général de l'Esa
La
défense et les vols habités sont des domaines
où l'Europe marque un retard particulièrement
préoccupant. Au mieux, elle se place au 4e rang des
nations spatiales.
Le spatial de défense n'existe vraiment qu'en
France. Ce n'est pas étonnant car l'Europe
n'a pas encore de politique commune de défense.
Il s'agit d'une caractéristique qui lui
est propre. Dans les autres pays, le spatial civil est un
sous-produit du spatial de défense et bénéficie
de ses crédits et de ses réalisations. Ce
n'est pas le cas en Europe où le spatial civil
doit voler de ses propres ailes.
Pourquoi la question du spatial de défense n'est-elle
pas posée en Europe ? Pour des raisons politiques.
Pour certains Etats européens, les termes d'indépendance,
de souveraineté, de préférence sont
signification dans leur langue. Il s'ensuit que l'équivalent
des 20mds de $ consacrés annuellement par l'Amérique
au spatial de défense n'ont pas de correspondants
en Europe. Au mieux, ce domaine ne bénéficie
que d'1md d'euros, principalement fournis par
la France. Aux Etats-Unis, c'est le spatial de défense
qui finance pour l'essentiel le spatial civil. En
Europe, c'est le contraire.
Le spatial européen devra être construit par
étapes:
- Etapes institutionnelles : nationales, intergouvernementales
communautaires.
- Etapes techniques : systèmes civils, systèmes
à missions partagées, systèmes spécifique
à la défense.
D'une façon générale, on passera du civil
à la sécurité puis au militaire, sans
abandonner les étapes précédentes. Il
est évident que les missions de sécurité
couvrent beaucoup plus de champs que les missions militaires,
notamment avec le développement de la sécurité
environnementale associée à la crise climatique
future..
L'Esa
est dans une situation paradoxale. Elle développe sur
des budgets civils des systèmes financés aux
Etats-Unis par la défense, par exemple Galiléo
qui vise à concurrencer le GPS. L'Esa s'efforce de
garantir à l'Europe l'accès à l'espace,
sans que les Etats européens ne s'y impliquent. Or
la garantie de l'accès à l'espace est pour l'Amérique
une responsabilité régalienne suprême.
En attendant une politique spatiale européenne de défense,
l'Esa s'est rendue conforme aux standards de sécurité
européens. Elle participe aux dialogues de synergie
Espace-Défense.
Quelques frémissements en matière de spatial
de défense au plan européen commencent à
se faire sentir, notamment au sein de la Commission européenne.
Yannick
d'Escatha, président du Cnes, France
Le
rapport de l'OPECST met en évidence le déficit
de l'Europe dans le spatial de sécurité-défense.
Le secteur industriel européen qui intervient dans
les systèmes de défense dépend pour
l'essentiel du commercial et se trouve donc fragilisé,
alors que l'industrie spatiale de défense des
autres Etats repose presque entièrement sur des budgets
militaires ou proches du militaire.
Malgré ces handicaps, un noyau dur d'Etats
européens a mis en place les bases technologiques
nécessaires aux télécommunications
stratégiques et l'observation. Mais cette coopération
impose des négociations longues entre Etats. Six
d'entre eux par exemple doivent actuellement s'associer
pour remplacer le satellite Helios2 par Hélios3.
.
Il faudrait donc décider d'une démarche
institutionnelle plus forte, conjuguant les leviers militaires
(la DGA en France), politiques et techniques. C'est
ainsi que pour préparer les futurs systèmes,
il conviendrait aujourd'hui de réaliser des
démonstrateurs pré-opérationnels. Par
exemple le démonstrateur d'écoute ESSAIM.
Le Cnes participe à ces travaux.
Parmi les autres démarches, il faut :
- établir des architectures européennes partagées
utilisant un même système ;
- développer le domaine nouveau de l'écoute
et de la surveillance de l'espace (à l'égard
des satellites en orbite ou des débris).
La
sécurité représente une approche plus
consensuelle. Les programmes peuvent relever du premier pilier(1)
avec des financements du PCRD (1,2 mds d'euros envisagés
actuellement). Il s'agit de sécuriser les approvisionnements,
les personnes, les sites. Il faut aussi surveiller les pollutions
et les frontières, notamment maritimes.
Certaines
actions sont sous la responsabilité communautaire :
catastrophes naturelles (GMES), trafic aérien…D'autres
sous la responsabilité de l'ONU : sanitaire, réfugiés,
soutien en cas de catastrophe majeure.
Devant la multiplication des besoins, il faut aussi définir
des priorités. La Marine nationale française
propose la sécurité maritime, sauvetage, surveillance,
interception. Ceci supposera des systèmes duaux avec
l'Agence européenne de sécurité maritime,
qui se met en place. Ce domaine illustre le potentiel des
systèmes duaux utilisés dans une coopération
européenne et internationale. Mais pour que ces systèmes
atteignent leur efficacité, on doit améliorer
l'environnement juridique s'appliquant à la mer et
aux transports, actuellement inexistant ou anarchique.
Le 7e PCRD étudie un plan européen pour la recherche
en sécurité. Ce plan au niveau national imposera
la coordination entre les administrations de défense
et les autres administrations. Il supposera la coordination
du 1er et du 2e pilier.
(1) Les trois piliers sont les éléments
qui constituent depuis le traité de Maastricht de 1992
l'architecture institutionnelle de l'Union européenne
:
• 1er pilier: les Communautés européennes.
Héritières de la CECA, de la CEE et du traité
Euratom, elles reprennent le traité de Rome révisé
par l'Acte unique. Il s'agit d'un pilier supranational relatif
aux politiques intégrées (politique agricole
commune, union douanière, marché intérieur,
euro, etc.). Pour les matières relevant de ce pilier,
les États membres ont transféré une
partie relativement importante de leurs compétences
et souveraineté à l'Union européenne.
• 2e pilier: la Politique étrangère
et de sécurité commune (PESC). Coopération
intergouvernementale, en matière d'affaires étrangères
et de sécurité.
• 3e pilier: la coopération policière
et judiciaire en matière pénale.
Pascale
Sourisse, présidente de Alcatel-Alenia-Space
L'avenir
du spatial européen de défense dépendra
des budgets nationaux (loi de programmation militaire en
France) et de la politique spatiale européenne qui
sera définie dans le cadre de l'Esa en mai
2007. La politique européenne en ce domaine a depuis
quelques années affirmé le concept d'accès
indépendant à l'espace (qui suppose
des lanceurs et des bases spatiales européennes)
ainsi qu'un usage indépendant de l'espace.
Mais
à cette fin, les principes ne suffisent pas. Il faut
maintenir les compétences industrielles et de recherche.
Or l'optimisme n'est pas possible. Ces compétences,
en Europe, dépendent d'un marché commercial
cyclique, actuellement orienté vers une baisse durable.
De plus le niveau des marges permises ne permet pas de financer
la R/D. Les taux de change euro-dollar défavorisent
de plus en plus les industries européennes. Les programmes
sur financement communautaires enfin, calculés au
plus juste, ne permettent pas non plus de soutenir des marges
de R/D suffisantes.
Il faut ajouter que les systèmes de défense
ne sont pas seulement duaux, c'est-à-dire financés
par le secteur civil. Ils sont souvent spécifiques
et exigent des budgets prélevés sur les budgets
militaires, eux-mêmes en décru.
Comme
l'ensemble des pays européens ne sont pas en
voie de s'entendre sur une défense commune,
les systèmes spatiaux de défense doivent être
pris en charge par des coopérations renforcées
entre Etats-membres.
Dans
le domaine défense comme dans le domaine sécurité,
la France doit continuer à y jouer le rôle qui
avait toujours été le sien, celui d'un moteur
pour l'Europe. Il faut qu'elle se remobilise. Or les inquiétudes
sont grandes car, pour des raisons budgétaires, elle
diminue son effort. Ceci entraîne chez les industriels
la destruction de compétences et d'emploi à
forte valeur ajouté, qui ne seront pas récupérables
avant des années.
François
Auque, président d'Astrium
Reconnaître
ses faiblesses permet de les corriger. Espérons que
la prochaine législature reconnaîtra les insuffisances
de l'actuelle quand il s'agit de la politique
spatiale de la France en matière de défense.
Il faut rappeler quelques fondamentaux. On a répété
ici que les systèmes spatiaux sont duaux. Mais ceci
ne signifie pas qu'ils doivent être financés
par les seuls civils, même si les militaires les utilisent
aussi. La dualité suppose des financements partagés.
Autrement dit, les militaires doivent investir.
L'Europe a tous les éléments pour une
politique ambitieuse de spatial militaire. Les briques de
base dont elle dispose peuvent s'adapter à
toutes les formes de coopération.
Mais
il faut élaborer une doctrine d'emploi, c'est-à-dire
envisager de faire de l'espace, comme aux Etats-Unis, un élément
clef des performances des forces armées. Citons entre
autres: la cartographie, le ciblage, la protection, l'accélération
de la boucle de commandement, la mise en réseau des
unités, la protection contre les missiles balistiques,
le positionnement des forces amies et des déplacements.
Tout ceci est précisé clairement par le groupe
d'orientation stratégique de politique spatiale de
défense (GOSPS) créé en octobre 2003
présidé par l'ambassadeur Bujon de l'Estang(2)
.
Il
faut aussi procéder à un chiffrage des besoins
financiers. Selon les experts, ces besoins paraissent à
portée. Il faudrait passer de 1 md d'euros
par an (somme des contributions au spatial militaire des
6 pays européens s'intéressant à
ce domaine) à 2 mds, soit 5 euros par an pour chacun
des citoyens des 6 pays. Avec 2mds, le rapport de disproportion
qui nous sépare des Etats-Unis passerait de 1 à
20 à 1 à 10.
Malheureusement,
l'Europe dans son ensemble ne suit pas. Hors Ariane et Galiléo,
il n'y a pas de programmes européens. Les Etats européens
doivent comprendre qu'emboîter leurs compétences
nationales à un programme européen ne leur nuirait
pas. Ce programme devrait viser en priorité la surveillance
de l'espace, (qui sera de plus en plus envahi ou envahissable)
la surveillance anti-missiles, la surveillance maritime. Ceci
peut se faire dans le cadre de l'Otan (NB : mais avec des
moyens propres aux Européens). La France dans tous
ces domaines ne doit pas baisser les bras.
Au-delà de la surveillance de l'espace et la surveillance
anti-missiles, il existe deux tabous. Un tabou de principe
concernant la capacité à détruire les
capacités spatiales d'un agresseur éventuel.
Il faut traiter cela comme on le fait de la dissuasion nucléaire
en France : pas de rôle offensif, mais les moyens d'une
forte riposte. Le deuxième tabou concerne la mise en
œuvre. Les autorités de défense peuvent
être externaliser certains services, c'est-à-dire
les acheter aux industriels, et à quels coûts
?
(2)
voir http://senat.fr/rap/a06-081-4/a06-081-413.html
Discussion.
Résumé des interventions des assistants
1.
Les questions de sécurité, au sens large,
devraient permettre de dépasser les blocages inter-européens
en matière de défense commune. Ceci deviendra
de plus en plus d'actualité avec la prise de
conscience du grand risque pour demain qui est le risque
environnemental. Les programmes spatiaux de surveillance
et d'évaluation, comme de gestion des secours,
joueront un rôle essentiel.
2. Chez les militaires, il faudra dépasser le réflexe
de protection du renseignement, tant entre les armes qu'entre
les pays. Il faut casser les logiques de "milieux"
pour aboutir à des logiques opérationnelles.
3. On peut faire référence à l'Otan.
Mais mieux vaudrait sans doute faire référence
à la politique étrangère et de sécurité
commune (PESC) du 2e pilier.
4. Pourquoi ne pas aller chercher l'argent où
il est, c'est-à-dire en particulier auprès
de l'Agence européenne de défense ?
5. Pourquoi, dans le même esprit, n'y a-t-il
pas de scientifiques du spatial dans le Conseil européen
de la Recherche ?
6. 2 milliards par an pour la défense européenne
seront insuffisants. Il faut voir ce qu'a coûté
Airbus à l'Europe – sans mentionner ce
que dépense le budget américain, directement
et indirectement.
7. Alors que l'Europe peine à trouver les quelques
centaines de millions qui permettront, ceci pas avant 2 ou
3 ans, de compléter la gamme des satellites Galiléo
pour que celui-ci puisse devenir opérationnel, en 2006,
les Français ont dépensé 4 mds (les européens
12 mds) pour acheter des terminaux GPS à 170 euros
l'unité,…le tout allant alimenter principalement
les industriels américains. Galiléo en 2010
arrivera sur un marché saturé. Où est
le business plan de Galiléo ? Pourquoi l'Esa n'y est-il
pas associée ? Il en sera de même vraisemblablement
pour les futures applications GMES où les marchés
de masse ne sont pas pris en compte. L'Europe marche vraiment
sur la tête. On n'arrivera à rien en continuant
comme cela.
Deuxième
partie. Les vols habités. Quel projet pour l'Europe
?
François
Auque, président d'Astrium
Là
encore, ce thème est un sujet tabou pour l'Europe.
Il génère de véritables guerres de religions.
D'où provient le rejet général ? Peut-être
du fait que certains intérêts veulent conserver
pour eux les crédits qui seraient consacrés
à une politique européenne ambitieuse en matière
de vols habités et d'exploration habitée de
l'espace.
Or, dans la politique spatiale européenne, le vol habité
est une composante indispensable. Il s'agit d'abord d'être
en cohérence avec l'Agenda de Lisbonne, faire de l'Europe
une société de la connaissance. Mettre en place
de tels vols supposera des investissements scientifiques considérables,
dans tous les domaines, qui rejailliront partout.
C'est par ailleurs un facteur clef pour l'identification de
l'Europe, notamment à l'égard de ses jeunes.
Ceci aussi bien en général que pour favoriser
leur orientation vers les métiers de la science.
Il s'agit donc d'un élément déterminant
de l'ambition spatiale. Les Etats-Unis, la Chine, l'Inde ne
s'y trompent pas. Il y aura dans le monde ceux qui joueront
en Première division, et enverront des hommes dans
l'espace - et ceux qui n'y seront pas et seront relégués
en Deuxième division.
Mais que proposer ? Il faut savoir sur quoi bâtir.
Aujourd'hui,
les ambitions européennes reposent sur l'ISS (Station
spatiale internationale) et l' Automated Transfer Vehicle
(ATV) qui sera lancé durant l'été 2007
et qui pourra emporter vers l'ISS 8 tonnes de cargaison. Mais
ceci dépend en grande partie des Etats-Unis et disparaîtra
vers 2016, avec la disparition de l'ISS programmée
par eux. La priorité qu'ils donnent à l'exploration
de la Lune et leurs difficultés avec les navettes spatiales
peuvent compromettre l'avenir de l'ISS bien avant 2016.
Or préparer un système de vol habité
opérationnel prend 10 ans. Il faut donc dès
2008 préparer l'après ISS. On peut envisager
:
- une capacité d'accès à la surface de
la Lune, en coopération avec la Russie. Le coût
sera évidemment très lourd.
- la poursuite de la présence de l'homme en orbite
basse, par le biais d'un vaisseau euro-russe exploitant les
infrastructures de Guyane.
- la participation à la base lunaire polaire américaine.
Les Européens fourniraient l'ATV. Ils devraient aussi
développer un atterrisseur lunaire propre. Il ne serait
pas concevable qu'un Européen ne figure pas parmi les
équipages de cette base à compter de 2020.
- la poursuite de l'exploration de Mars et d'autres planètes,
robotique d'abord puis humaine ensuite à plus long
terme. Il faudra sans doute participer dans ce cas à
la mise en place des hubs internationaux nécessaires.
Tout
ceci coûtera inévitablement cher (pas si cher
d'ailleurs que l'on imagine, compte tenu des
PIB européens et des retombées multiples).
Mais il faut payer si l'on veut exister.
;
Il faudra aussi, pour optimiser les crédits, nécessairement
limités, réorganiser la démarche européenne
au plus haut niveau afin d'éviter les duplications.
L'Europe est une machine à dupliquer et donc
à gaspiller. Il faut réorganiser la démarche,
programme par programme et pour l'ensemble des programmes.
Jean-Jacques
Dordain, directeur général de l'Esa
La
question de l'homme dans l'espace diffère pour l'Europe
de celle de la défense, précédemment
examinée:
- L'Europe y est dépendante des autres puissances spatiales.
- Il s'agit d'une activité déjà très
intégrée au niveau européen dans le cadre
de l'Esa.
- C'est une activité qui cherche à être
visible et non invisible. Les astronautes, pour leur part,
sont de véritables ambassadeurs que l'histoire n'oublie
pas.
- Des initiatives privées commencent à s'y faire
jour (tourisme spatial, etc.).
L'Europe
joue dans l'ISS un rôle non mineur, supérieur
à sa contribution de 5%. Elle a fait les bons choix
( un laboratoire complet, Colombus - l'ATV, gros système
logistique pour le ravitaillement et le rendez-vous automatique).
Son partenariat est fiable. Elle entretient enfin de bonnes
relations avec les USA et les Russes. L'année
2007 sera très importante, avec l'envoi de
Colombus et de l'ATV, ainsi que la présence
dans la station de 3 astronautes européens.
En 2015, les partenariats établis survivront plus
longtemps que la plateforme elle-même. D'où
l'objectif de s'appuyer sur ces acquis pour
des projets d'exploration. L'Europe pourra y
jouer un rôle non négligeable. Comment ?
Un principe de base sera pour cela de ne pas dépendre
d'un seul système. Il faudra conduire deux
voies en parallèle, une voie européenne et
une voie avec d'autres partenaires.
Pour le moment, la voie européenne est représentée
par l'exploration automatique, avec Exomars vers Mars
voire des astéroïdes.
Pour l'exploration habitée, il ne faut pas
s'illusionner. Même si l'Europe y consacre
des dizaines de milliards, elle n'aura pas de résultats
avant 10 ou 15 ans. De plus, pour le moment, dans cette
direction, l'Europe dépend des USA. Si ceux-ci
se retirent, elle ne peut rien.
Le
premier objectif de toutes façons est la Lune. L'Esa
réfléchit actuellement aux scénarios
de coopération avec l'Amérique ou la
Russie. 4 scénarios sont possibles :
- Fourniture d'infrastructures en orbite lunaire.
- Participation aux infrastructures au sol lunaire.
- Missions scientifiques d'étude de l'environnement
lunaire.
- Transport d'équipages. Dans ce cas on ne
peut discuter qu'avec la Russie, car les USA ne veulent
pas collaborer.
Tout
ceci fera l'objet de négociations entre les
Etats-membres en 2008, avec chiffrage. Mais ce ne sera pas
fait au détriment des autres activités spatiales.
Les vols habités doivent être compatibles avec
les missions scientifiques. Il n'y aura pas de guerres
de religions.
Yannick
d'Escatha, président du Cnes, France
Dire
comme certains qu'il faut choisir entre l'homme et les robots
est trop réducteur. L'homme n'est pas plus interdit
de séjour sur la Lune et sur Mars qu'il ne l'était
dans les profondeurs océaniques. Les vols habités
représentent certes un défi technique mais qui
est à la portée d'une grande puissance spatiale,
comme l'Europe.
Comment l'Europe peut-elle y participer ? Ce sera dans le
cadre de l'Esa, avec un apport particulier de la France. Les
vols humains stimuleront l'innovation technologique et scientifique,
dans tous les autres domaines.
Dans l'immédiat, la priorité est l'exploration
robotique de Mars avec retour d'échantillons. La Lune
sur ce plan mérite aussi une exploration, mais elle
est moins intéressante que de petits corps du système
solaire ou des satellites des grosses planètes. Tout
ceci reposera sur le programme Exomars. Le Cnes y participe
dans de nombreux domaines : rentrée, navigation, etc.
Vis-à-vis des Etats-Unis, la réponse européenne
visera en priorité à stabiliser le programme
ISS, sans dépendre de la navette. D'où le rôle
de l'ATV.
Pour aller plus loin, la réponse européenne
devra définir le bon rythme. Le Cnes étudie
actuellement ce que l'on appelle un « programme
de programme » qui comporte plusieurs objectifs
:
- les architectures de références pour un programme
global.
- L'optimisation des ressources,
- L'identification des manques,
- L'interopérabilité entre segments,
- La sécurité des équipages avec deux
systèmes complets de transport,
- Des infrastructures communes de télécommunications
et de navigation
Quatorze
agences spatiales travaillent sur ce « programme de
programmes » qui sera soumis en 2007, début
2008 aux autorités gouvernementales. L'engagement
politique devra se poursuivre pendant des décennies,
sans remise en cause des engagements pour cause de péripéties
budgétaires et politiques.
Par ailleurs, le Cnes veut rappeler les exigences de la
recherche scientifique. Certaines missions deviendraient
impossibles si l'exploration lunaire ou de Mars introduisait
des pollutions.
Joël
Chenet, Alcatel-Alenia-Space (en remplacement
de Pascale Sourisse)
Il
ne faut pas confondre le vol habité et l'exploration
spatiale. Le premier est un enjeu de l'humanité
qui dépasse de beaucoup la science. Ses suites se
dérouleront pendant des siècles. L'Europe
doit y participer.
Les Etats doivent donc investir en propre. Il ne faut pas
laisser les agences spatiales supporter seules la charge.
La France, comme toujours, se devra de jouer un rôle
moteur, à la hauteur de ce qu'elle a toujours
considéré être son rôle dans le
monde.
Discussion.
Résumé des interventions des assistants
1
Il faut mobiliser la conscience citoyenne. Faire comme on
fait les scientifiques avec le collectif Sauvons La recherche.
Il faudrait imaginer un collectif Sauvons l'Espace.
2 Le Cnes et l'Esa font de gros efforts pour faire connaître
les programmes, y compris aux scolaires. Mais cela ne touche
pas encore le grand public. Il faudrait des séries
TV, des films et des romans mettant en scène des héros
européens.
3 On ne sait pas vendre l'espace comme un produit grand public.
Il faut y réfléchir d'urgence.
4 Les colloques et communications sur ces sujets intéressent
toujours beaucoup de monde, de toutes horizons politiques,
comme celui conduit à Toulouse le 29 septembre 2006
par l'association Paneurope. Mais il faudrait les décliner
avec des produits dérivés.
Note
Quelques unes des références disponibles sur
le site d'Automates Intelligents
Compte-rendu du Colloque du 29 septembre 2006 à Toulouse
http://www.automatesintelligents.com/manif/2006/coltoulouse.html
Lettre n° 64 Spéciale Espace
http://www.kiosqueist.com/wwsympa.fcgi/arc/automates-intelligents-html/2006-03/msg00001.html
Compte rendu du colloque du Sénat du 2 novembre 2005
http://www.automatesintelligents.com/manif/2005/crespaceprogramme.html