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Editorial
La
crise climatique... mobilisation générale
?
par
Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin
04/02/06 |
Nous ne cessons depuis de longs mois de faire écho
aux communications des chercheurs en sciences du climat relatives
à l'imminence d'une crise climatique et environnementale
de grande ampleur. Nous n'avons également cessé
de relayer les protestations de ceux qui s'indignaient de
voir certains gouvernements, en premier lieu celui de G.W.
Bush, mais aussi ceux du Canada et de l'Australie, s'acharner
à nier le phénomène.
Ce
faisant nous avons comme beaucoup, non pas par conformisme
mais parce que cela correspondait à notre propre
pensée, insisté sur le fait que les sceptiques
à l'égard du réchauffement global proviennent
essentiellement des milieux industriels et économiques
tirant leur puissance de l'exploitation des carburants fossiles
(pétrole, gaz et charbon) ainsi que des activités
dérivées, notamment le transport routier et
l'automobile. Il n'est pas besoin d'être diplômé
en sciences politiques pour en tirer la conclusion qu'au-delà
de ces industries et des gouvernements qui les appuient,
si la crise devenait véritablement la menace du siècle,
ce serait le système global du capitalisme libéral
qui serait responsable de cette même crise et qu'il
faudrait remplacer. Comment demander à des intérêts
financiers dont le seul moteur est la recherche d'un profit
maximum de renoncer à des bénéfices
immédiats ou de consentir à des investissements
non rentables à court terme, au prétexte que
le salut des écosystèmes en dépend.
Seules des mesures de régulation prises par des autorités
politiques indépendantes des intérêts
économiques et parlant si possible au nom de l'intérêt
général de l'humanité pourraient édicter
et faire respecter des clauses de sauvegarde, entraînant
de nombreux sacrifices.
Malheureusement,
et jusqu'à présent, ceux qui tenaient ce discours
étaient rangés parmi les défenseurs
d'un dirigisme attardé ou d'un altermondialisme irresponsable.
La pensée unique, souvent dénoncée
mais jamais remise en cause, du moins en Occident, affirmait
que le seul régime capable d'assurer le développement
du monde global était le capitalisme libéral
prenant la forme du libre-échange en matière
de commerce international. Ses défauts se résoudraient
d'eux-mêmes grâce à la main invisible
de l'initiative privée qui le régulait de
l'intérieur.
Il
est vrai qu'il paraissait difficile de faire coexister deux
systèmes économiques différents, l'un
reposant sur l'initiative privée et le libéralisme,
l'autre sur des mesures administratives mises en œuvre
par des services publics ou par des entreprises sous contrat
de service public. Cette solution avait été
pratiquée en France et dans certains pays européens
après la guerre. Elle s'appelait l'économie
mixte. On lui doit d'ailleurs les principaux succès
des Trente Glorieuses. Mais l'expérience a été
gommée sous l'influence de la pensée économique
américaine, elle-même au service d'une diplomatie
visant à faire disparaître toutes les puissances
étatiques susceptibles de s'opposer à la domination
non seulement des entreprises américaines mais du pouvoir
de l'Etat fédéral américain dont il faut
d'ailleurs rappeler qu'il n'est en rien libéral(1).
Une
rafale d’événements convergents
Mais,
au lendemain de la conférence internationale de Paris
(3-4 février) pour une « gouvernance
écologique mondiale », présidée
avec des mots très forts par le président français
Jacques Chirac(2) ; deux jours après
la conclusion des travaux (1er-2 février) du comité
d’experts internationaux du GIEC/IPCC montrant que les
pronostics les plus pessimistes concernant la crise climatique
étaient confirmés par les scientifiques(3)
; quelques jours après le Forum de Davos (24-26 janvier)
où la prévention de cette même crise a
fait l’objet de la préoccupation des grands décideurs
économiques ; quelques semaines enfin après
la remise par Nicholas Stern du rapport qui fera date évaluant
les coûts considérables que représenterait
l’inaction face à la crise et proposant de nombreuses
mesures politiques qui n’ont rien de libéral,
nous pouvons ici, à la date du 5 février 2007,
constater avec un début d’espoir qu'une prise
de conscience concernant la réalité de la crise
climatique commence à se faire. Mieux, il devient clair
pour beaucoup qu’il faut désormais envisager
de véritables mesures révolutionnaires, selon
le terme de Jacques Chirac, pour lutter contre la crise. La
révolution restera-t-elle dans le discours ou se traduira-t-elle
en décisions?
A
cet égard, plusieurs autres constatations lourdes
de sens s’imposent. D’abord, dans cette prise
de conscience mondiale, la Grande Bretagne et la France
jouent de façon différente mais convergente,
un rôle pilote. Derrière ces deux pays (membres
de l’Union européenne, rappelons-le) l’ensemble
de l’Union, à l’initiative de la Commission
et du parlement européen, se mobilise sans tergiverser.
Pour une fois, les 27 membres semblent convaincus de la
nécessité d’agir ensemble et vite. Pourvu
que le consensus se maintienne quand il s’agira de
prendre des mesures qui feront entraîneront nécessairement
beaucoup de sacrifices!
Une
deuxième constatation concerne la persistance de l’administration
fédérale américaine à nier la
crise et à refuser toutes mesures susceptibles d’obliger
la nation la plus productrice de GES du monde à changer
son mode de vie. Le mode de vie américain n’est
pas négociable, avait déjà affirmé
avec un unilatéralisme insupportable, mais qui ne s’est
pas démenti depuis, un précédent président.
Mais une évolution surprenante se dessine cependant.
Certains’Etats fédérés américains
commencent à vouloir négocier avec l’Union
européenne le partage de divers mécanismes destinés
à lutter contre les émissions de GES, notamment
la bourse d’échange des droits à produire
du carbone (carbon trading scheme) découlant
du protocole de Kyoto. Ceci pourrait être le début
d’une crise constitutionnelle majeure aux Etats-Unis.
Le pouvoir fédéral y reculerait devant celui
des Etats. L’hostilité que suscite dans nombre
de ceux-ci l’entêtement du G.W.Bush, non seulement
à nier la crise climatique, mais à poursuivre
sa longue guerre contre le terrorisme ne fera qu’augmenter
la probabilité d’une telle crise.
Une
troisième constatation nous paraît s’imposer.
Il s’agit du fait qu’en Amérique, qui s’est
toujours prétendue (en dehors des questions intéressant
le Militaro
Industrial Congressional Complex) le parangon
du libéralisme (free-trade), de plus en plus
de chefs d’entreprises commencent à considérer
qu’un retour au patriotisme économique (prôné
il fut un temps par la France et repris aujourd’hui
– timidement – par les candidats aux présidentielles
françaises) correspond dorénavant à une
nécessité. On ne parle pas encore aux Etats-Unis
de protectionnisme ou de patriotisme économique, mais
de fair-trade. Le mot signifie en fait que les échanges
doivent être négociés, sous les auspices
d’une autorité gouvernementale, sur la base de
la réciprocité. Le programme de retour au fair-trade
a déjà un nom, il s’agit du projet Horizon,
Horizon Project [voir le tout récent site ouvert
sous ce nom http://www.horizonproject.us/].
Certes, le fair trade recommandé n’est
pas lié, en principe, à la réciprocité
des efforts que feront les pays dans la lutte contre la crise
climatique, mais il trouvera rapidement l'occasion de s'y
appliquer.
Pour notre part, tout ceci nous confirme qu·il convient
en France - et en tous cas dans cette revue - de prendre un
peu d’avance sur les esprits et de commencer à
étudier comment pourraient s’organiser les efforts
visant à réguler les économies afin de
limiter au maximum les effets de la crise climatique et environnementale.
Qui réglementera, en faveur de qui et de quoi ? Ces
questions ne sont pas tranchées, ni même posées.
Mais il semble que peu à peu émerge le concept
d'une économie mixte (privée-publique) mondiale,
dirigée par des intérêts multiples (multipolaires)
associés pour la survie de nos civilisations. Ce serait
donc bien le glas du capitalisme libéral qui commencerait
à sonner. Ce serait aussi celui de l'influence unilatérale
de la super-puissance américaine, jusque là
associée à ce même capitalisme libéral
et désormais embourbée dans ses impasses multiples.
Enfin, pour l'Europe, si elle s'inscrivait résolument
- comme elle semble vouloir le faire - dans la lutte contre
le réchauffement global et la protection de l'environnement,
ce serait une opportunité considérable de se
faire entendre face non seulement aux Etats-Unis mais aussi
face aux puissances émergentes telles la Chine et l'Inde,
qui ne peuvent construire leur croissance en négligeant
ces questions.
Selon
nous, deux questions mériteraient d'être approfondies
sans attendre :
On
se repportera sur le site à nos nouveaux articles "La
grande Crise et le retour aux économies mixtes : 1)
La Crise ;- 2) Les
économies mixtes ; 3) Les
devoirs des scientifiques", qui viennent enrichir
ceux déjà publiés sur ces thèmes.
Nous espérons les développer au fil du temps,
compte-tenu des réactions que nos lecteurs nous feront
parvenir.
Voir
aussi, notre rubrique "Art Imaginaire" : Lettre
écrite en 2070.
Notes
(1)
Il s'agit d'une intrication, peu visible de l'extérieur,
entre pouvoirs politiques, militaires et industriels, dénoncée
par le politologue américain Robert Higgs sous le nom
de "Militaro Industrial Congressional Complex".
(2) AFP.
Le Monde: Une quarantaine de pays, dont la France, l'Allemagne
et la Grande-Bretagne, ont lancé samedi 3 février
un appel en faveur d'une "vaste mobilisation internationale
contre la crise écologique et pour une croissance respectueuse
de l'environnement". "Nous nous engageons à
mettre au centre de nos décisions et de nos choix,
chacun dans notre domaine, la préoccupation de l'environnement",
affirme cet appel, qui a été lu samedi par Jacques
Chirac à l'issue de la Conférence de Paris pour
une gouvernance écologique mondiale.
Cet "Appel de Paris" préconise la création
d'une Organisation des Nations unies pour l'environnement
et prône l'adoption d'une Déclaration universelle
des droits et des devoirs environnementaux. "Nous appelons
à transformer le Programme des Nations Unies pour l'environnement
en une véritable Organisation internationale à
composante universelle à l'image de l'Organisation
mondiale de la santé", a-t-il ajouté.
Un "groupe pionnier" de "plus de quarante pays"
a été constitué pour promouvoir ce projet,
qui est contesté notamment par les Etats-Unis et les
grands pays émergents. "Nous tous ici présents,
Citoyens de la Terre, nous appuyons les efforts des Nations
qui se mobilisent, dans un esprit de souveraineté partagée,
pour renforcer la gouvernance internationale de l'environnement",
a dit le président.
Cet appel intervient au lendemain de la publication du rapport
des experts du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution
du climat (GIEC), qui ont lancé un avertissement sans
précédent sur l'ampleur du changement climatique
en insistant sur la responsabilité humaine dans le
réchauffement de la planète.
L'ONU dispose pour l'instant du Programme des Nations unies
pour l'environnement (PNUE), créé en 1972 et
dont le siège se trouve à Nairobi. Cette nouvelle
organisation devrait être "à l'image de
l'Organisation mondiale de la santé" (OMS) pour
avoir "une voix forte et reconnue dans le monde".
Elle devra "évaluer les dommages écologiques",
"promouvoir les technologies et les comportements les
plus respectueux des écosystèmes" et soutenir
"la mise en oeuvre des décisions environnementales".
Le Maroc accueillera "la première réunion
du groupe pionnier des " amis de l'Organisation des Nations
Unies pour l'environnement " qui rassemble déjà
plus de 40 pays", indique la déclaration.
Les quelque 200 participants à la conférence
- ministres, chefs d'entreprise, représentants associatifs,
scientifiques - ont affirmé, dans cette déclaration,
que, "aujourd'hui, le temps est venu de la lucidité"
et qu'il fallait "reconnaître que nous sommes parvenus
au seuil de l'irréversible, de l'irréparable".
(3)
Voir la version intermédiaire du rapport du GEIC, publiée
le 2 février:
http://www.ipcc.ch/SPM2feb07.pdf
et sa présentation
audio
Voir le programme de la Conférence de Paris pour une
gouvernance écologique mondiale 2-3 février
2007 http://www.citoyensdelaterre.fr/conference/?-Programme
et le texte de l'Appel de Paris http://www.citoyensdelaterre.fr/conference/?Appel-de-Paris
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