Le
système de navigation satellitaire Beidou, concurrent
de Galiléo ?
JPB 11/11/06
Le
2 novembre 2006, l'agence gouvernementale de presse chinoise
a annoncé que le service de navigation satellitaire
chinois Beidou fournira des services gratuits de localisation
à partir de 2008. La précision en sera de
10m. Beidou comporte actuellement 3 satellites, en orbite
géostationnaire, ce qui limite leur couverture
aux zones terrestres d'où les satellites sont visibles.
Ces 3 satellites sont actuellement expérimentaux.
Le système complet comportera 35 satellites, dont
5 en orbite géostationnaire, les autres étant
en orbite basse. Il couvrira alors l'ensemble du globe,
avec deux niveaux de service: le service en accès
libre précité (précision 10m, mesure
de vitesse au-dessus de 0,2 m/s, horloges synchronisées
avec une précision de 50 ns) et un service sur
abonnement en principe réservé aux militaires.
Cette
annonce a créé une certaine émotion
en Europe puisque la Chine s'était inscrite comme
partenaire du programme européen Galiléo,
pour lequel elle devait investir 230 mn d'euros et dont
elle devait être utilisatrice. De plus, les responsables
du projet Galiléo comptaient semble-t-il sur le
marché chinois pour souscrire des abonnements payants.
S'engage-t-on maintenant dans une compétition à
la fois commerciale et technologique entre la Chine et
l'Europe. Les Européens, il est vrai, n'auront
qu'à s'en prendre à eux-mêmes. Un
projet de l'importance stratégique de Galiléo
aurait du être financé beaucoup plus largement
sur fonds publics pour n'avoir pas besoin des aides chinoises.
Il aurait du par ailleurs devenir opérationnel
beaucoup plus tôt, alors que les retards s'accumulant
(provoqués notamment par les réticences
de financement des Etats), il n'entrera en service qu'en
2009 dans la meilleure des hypothèses.
Les
Américains ne manquent pas de se réjouir
de la situation. Selon Michaël Shaw, de l'US Satnav
coordination office à Washington, "La Chine
se comporte à l'égard de Galiléo
comme l'Europe voulait se comporter à l'égard
du GPS américain"(source,
NewScientist, 11/11/06, p.7). Nous aimerions entendre
une réponse rassurante des responsables de Galiléo.
Les
armes robotisées relancent le concept de guerre
zéro-morts
JPB 01/11/06
Source
NewScientist 28/10/06, p. 24. Un rapport pour le Congrès
américain établi en juillet 2006 montre
qu'en 2010, un tiers des aéronefs en charge des
attaques en profondeur (deep-strike) sera entièrement
robotisé. Il en sera de même des véhicules
de combat terrestres et navals (vedettes et sous-marins).
Les robots seront d'abord guidés à distance,
puis progressivement dotés de facultés d'auto-contrôle
leur permettant d'identifier eux-mêmes les cibles.
Ils pourront aussi agir en meute, sous commance d'un robot
observateur tel qu'un drone. Un expert travaillant pour
Foster-Miller, la firme technologique filiale de la société
britannique Qinetiq, qui équipe l'armée
américaine en armes robotisées, conjointement
avec iRobot, estime que cela incitera les forces "occidentales",
y compris Tsahal en Israël, à lancer de plus
en plus d'attaques en profondeur brutales sans risquer
de morts parmi les équipages et les troupes à
terre. L'idée d'une guerre "clinique"
reprend de la force, de même que celle d'une "puissance
unilatérale" pouvant être déployée
partout dans le monde.
L'inconvénient
de ces formules, comme l'ont montré les combats
en Irak et au Liban, est que les armes sophistiquées
n'empêchent pas, sauf à utiliser des moyens
de destruction de masse, la survie de guerillas qui restent
très offensives. Bien plus, elles suscitent des
ripostes de type terroriste, du "faible au fort",
pouvant être portées sur le territoire même
des pays militairement dominants.
En
tous cas, comme je l'avais indiqué dans l'émission
C dans l'air du 27/10 consacré à l'homme
bionique, ce ne sera malheureusement pas le souci
d'améliorer le sort des handicapés qui poussera
au développement des prothèses intelligentes,
mais la volonté des militaires, principalement
aux Etats-Unis, de se doter d'armes robotiques.
Pour
en savoir plus
CRS
Reports for Congress http://www.fas.org/sgp/crs/weapons/RS21294.pdf
Le
système Swords V (Special
Weapons Observation Reconnaissance Detection System) développé
par Foster-Miller pour l'armée américaine
http://en.wikipedia.org/wiki/Foster-Miller_TALON
(notre image)
Foster-Miller
http://www.foster-miller.com/lemming.htm
Le
pape critique le "cauchemar" de la recherche
expérimentale sur l'intelligence artificielle
Christophe Jacquemin (21/10/06)
Dans
un discours (cf
discours, en italien) prononcé le 21 octobre
à l'université pontificale du Latran à
Rome , le pape Benoît XVI s'est inquiété
du "caractère dramatique" de "la
crise de culture et d'identité" du monde contemporain,
estimant que la science actuelle privilégiait "le
faire" sur "l'être" au mépris
des besoins profonds de l'homme. Il a notamment critiqué
le "cauchemar" de la recherche expérimentale
en matière d'intelligence artificielle qui oublie,
selon lui, "que la science doit toujours travailler
à la sauvegarde de l'homme" : "Le
contexte contemporain semble donner la primauté
à une intelligence artificielle qui devient toujours
plus le cauchemar de la technique expérimentale
et oublie que la science doit toujours travailler à
la sauvegarde de l'homme", a-t-il dit.
On aurait aimé savoir ici ce qu'entend exactement
le Pape : que l'IA travaille à la perte de l'homme
?
On peut alors se demander à quoi servent les recherches
sur les prothèses, les robots d'interventions en
milieu hostile, les outils en IA pour la détection
des feux de forêts, la modélisation des mouvements
de foules via multiagents, ce qui peut conduire à
mieux concevoir les issues de secours dans les bâtiments(1)).
Et que dire alors des représentants du Conseil
Pontifical pour la Culture ou de l'Académie pontificale
des sciences(2) qui
ne se privent pas d'utiliser les avancées de l'IA
sur la fouille de données, pour justement se tenir
au courant des avancées du domaine.
Faut-il
appeler un chat un chat ? Le Pape parlait-il ici des "cognitive
systems" (que j'aime bien traduire par "systèmes
à conscience artificielle"(3)),
ou encore du transhumanisme(4)
?
Pour
notre part, signalons la conférence "Artificialisation
de l'esprit : modèles et simulation, un état
de la recherche", par Jean-Paul Baquiast et Alain
Cardon, qui se tiendra le 14 novembre au sein du cycle
"Explication, modélisation, simulation : problèmes
pour l'unité de la science" organisé
d'octobre à juin par l'Association pour les études
matérialistes(5))
et la revue Matière Première(6),
en collaboration avec le Muséum national d'histoire
naturelle.
Lieu des conférences : Lieu : Muséum
national d'histoire naturelle, amphithéâtre
Rouelle (bâtiment de la Baleine), 57 rue Cuvier,
75005 Paris, après le porche, à gauche,
contourner le grand amphi, passer devant les kangourous,
porte grise en face.
De 18 h 00 à 20 h 00 (ou 20 h 30, si besoin) (entrée
libre).
Consulter
le programme (format pdf)

L'église défend le dessein intelligent.
Opposons-lui des dessins intelligents
(1)
Recherches menées par MASA-SCI, entreprise issue
du groupe de Bioinformatique de l'Ecole Normale Supérieure
: http://www.masa-sci.com/excohue.htm
(2) Voir notre chronique
"Deux chercheurs français de renom entrent
à l'Académie Pontificale des Sciences"
(19 octobre 1999) http://www.admiroutes.asso.fr/action/theme/science/actu/1999/1999octo.htm#pontifica
(3)
Voir l'article "Réalisation d'un système
de comportement intelligent, intentionnel et autonome
avec production d'émotions destiné à
divers types de robots" http://www.automatesintelligents.com/labo/2005/jui/cardon1.html
(4) Voir Interview de Nick
Bostrom : www.automatesintelligents.com/interviews/2005/sept/bostrom.html
(5) http://www.assomat.info
(6) http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2006/fev/matierepremiere.html
Lancement
réussi du satellite météorologique
européen MetOp-A
par Jean-Paul Baquiast (19/10/06)
Les
téléspectateurs connaissent les images de
la Terre prises en orbite géostationnaire par les
satellites du réseau Météosat, dont
les services rendus sont remarquables et ce, depuis 28
ans. Mais dorénavant le réseau Météosat
sera complété par un nouveau satellite géant
de 4,o9 tonnes, MetOp-A, qui travaillera en orbite basse
afin de recueillir des informations impossibles à
obtenir auparavant. La prévision météorologique
ainsi que la compréhension de nombreux phénomènes
liés au changement climatique seront considérablement
améliorées.
MetOp
est le premier d’une série de 3 développée
conjointement par l’Esa et par l’agence Eumesat
(European Meteorological Satellite Organisation). Il a
décollé de Baïkonour à bord
d’une fusée russe Soyouz 2/Fregat fournie
par la firme euro-russe Strasem. C’était
la première mission de cette nouvelle version de
Soyouz, dont la famille baptisée Semyorka est vieille
de plus de 50 ans. On sait que par accord avec la Russie,
les Soyouz pourront utiliser la base de Kourou après
2008. Divers incidents et anomalies avaient retardé
le tir de plusieurs mois. Une certaine inquiétude
commençait à se faire jour dans les esprits
car une éventuelle perte de MetOp aurait été
durement ressentie. Mais finalement, les équipes
au sol ont bien travaillé et le Soyouz est parti
comme prévu ce jour 19 octobre à 16h28 GMT.
Le satellite était encapsulée dans une coiffe
analogue à celle des Arianes 4. La séparation
d’avec l’étage supérieur Fregat
s’est faite à 837 km d’altitude au
dessus des Kerguelen, sur une orbite circulaire.
Cette
orbite dotée d’une inclinaison rétrograde
de 98,7° sera de pôle à pôle, le
passage de l’équateur (de la Ligne, auraient
dis les anciens matelots), se faisant toujours à
la même heure, 9h30 du matin. Cette orbite dite
hélio-synchrone permet de repasser quotidiennement
au dessus de presque tous les points de la Terre avec
un éclairage similaire.
Le
satellite est maintenant sous le contrôle du centre
européen ESOC de Darmstadt. Il a déployé
ses panneaux solaires de façon satisfaisante. Dans
les prochains jours, il subira divers tests, mettra ses
antennes en place puis sera livré à Eutmesat
aux alentours du 22 octobre.
Le
satellite MetOp-A constitue l’élément
en orbite du système polaire Eutmesat (EPS) destiné
à recueillir des données météo
et relatives à l’environnement qui compléteront
celles du réseau Météosat. EPS sera
utilisé en coordination avec le système
américain Polar Operational Environmental Satellite
(POES) géré par la National Oceanic and
Atmospheric Administration.
Afin
de remplir ses missions, il est équipé de
nombreux instruments qui en font le satellite météorologique
le plus complet lancé à ce jour. Certains
sont d’origine européenne et d’autres
ont été fournis par la NOAA afin d’assurer
la compatibilité des observations. Le CNES a réalisé
l’interféromètre infrarouge (Infrared
Atmospheric Sounding Interferometer) IASI qui prendra
des mesures multiples de la température et de la
vapeur d’eau. Ces données seront complétées
de celles d’un sondeur d’humidité Microwave
Humidity Sounder (MHS) fourni par Eutmesat. Les concentrations
d’ozone et d’autres gaz seront évaluées
par une 2e génération d’expériences
dite Global Ozone Monitoring Experiment (GOME-2).
En ce qui concerne la surface terrestre, un radar en bande
C dit Advanced Scatterometer (ASCAT) mesurera la vitesse
et la direction des vents océaniques, ainsi que
les glaces les neiges et l’humidité des sols.
Citons sans les décrire davantage d’autres
instruments qui seront très précieux : le
GNSS Receiver for Atmospheric Sounding (GRAS) utilisant
les occultations des satellites de navigation, le Advanced
Very High Resolution Radiometer (AVHRR-3) de 3e génération
destiné à visualiser la couverture nuageuse,
etc.
MetOp emporte enfin un système avancé de
collecte des informations fournies par les balises Argos
fixes ou mobiles ainsi que des systèmes destinés
à traiter les signaux de détresse émis
par le réseau Cospas-Sarsat. La fiabilité
de ces deux réseaux dont le rôle humanitaire
et scientifique est considérable sera ainsi considérablement
améliorée.
Les données collectées seront reçues
à la station terrestre Command & Data Acquisition
(CDA) de l’archipel Svalborg, au nord de la Norvège.
Elles seront ensuite transmises et traitées à
Darmstadt.
Le projet MetOp a été approuvé en
1992. L’Esa y apporte sa contribution à travers
le programme Liing Planet, pour le développement
et l’achat des matériels. Eutmesat prend
en charge les lancements, le management opérationnel
du système, le suivi par les stations au sol. Le
satellite a été fabriqué par une
équipe industrielle coordonnée par EADS
Astrium et assemblé à Toulouse. 2 autres
satellites vont être mis prochainement en fabrication.
Les navigateurs apprécieront le fait que les nouveaux
matériels embarqués permettront de détecter
bien mieux qu’actuellement les mauvais temps en
formation, de sorte que les avis de tempête seront
émis plus tôt et avec plus de fiabilité.
Fusion
de Boeing et Lockheed Martin dans les lanceurs
par Jean-Paul Baquiast
17/10/06
La
Federal Trade Commission a donné son accord à
la fusion des filières lanceurs de Boeing et Lockheed
Martin. Portant le nom d’ULA (United Launch
Alliance), la nouvelle structure aura pour objectif
majeur de diminuer les coûts d’exploitation
des lanceurs EELV (Evolved Expendable Launch Vehicle)
des deux entreprises : la Delta 4 de Boeing et l’Atlas
5 de Lockheed Martin.
ULA
combinera également les activités de production,
d’ingénierie, de tests ainsi que les opérations
de lancements des deux sociétés. La décision
de la FTC va pouvoir permettre à celles-ci de finaliser
les documents officiels, et de fixer une date pour rendre
cette fusion effective.
La
fusion avait été décidée en
mai 2005, comme l'expose le communiqué de Boeing
ci-dessous. Elle répond aux demandes d'économies
d'échelle souhaitée par la Nasa et l'Air
Force, utilisatrices des produits des deux compagnies.
Les EELV devraient face face à partir de composants
normalisés à une large gamme d'exigences
de mise en orbite, provenant des militaires et de la Nasa.
Les promoteurs souhaitent aussi s'attaquer de façon
plus compétitive qu'actuellement au marché
des tirs internationaux civils, mais il n'est pas certain
que les nouveaux lanceurs soient concurrentiels face aux
séries russes et européennes. (photo
Nasa, Atlas 5)
Est-il
nécessaire d'ajouter que pour ce qui les concerne
ni Airbus ni Arianespace ne disposent de l'aide que représente
les gros contrats institutionnels américains, qui
sont programmés à plusieurs années..
Communiqué
http://www.boeing.com/news/releases/2005/q2/nr_050502b.html
Sur
le EELV, voir http://www.globalsecurity.org/space/systems/eelv.htm
Les
racines animales de la morale
par Jean Paul Baquiast (17/11/06)
Ce
thème a inspiré, on le devine, un nombre
immense de livres et d'articles. Ceux qui tiennent actuellement
les feux de la rampe sont les ouvrages du primatologiste
Frans de Wall, que nous avons plusieurs fois cité
dans cette revue. Les lecteurs non anglophones pourront
lire "Le singe en nous", traduit en français,
dont l'édition originale, Our Inner Ape,
date de 2005. Les anglophones liront le tout récent
(septembre 2006) " Primates and Philosophers:
How Morality Evolved" (The University Center
for Human Values Series) par Frans de Waal, Stephen Macedo
et Josiah Ober.
Frans
de Waal est professeur à l'Université Emory,
aux Etats-Unis et directeur du Living Links Center au
Yerkes National Primate Research Center d'Atlanta, Georgie.
Toute son oeuvre tend à montrer que les racines
de la cognition et de sa forme particulière, la
conscience de soi et de l'autre générant
ce que nous appellerions des émotions puis des
comportements moraux, se retrouvent facilement chez les
animaux dits "évolués", notamment
les grands singes. Il s'agit évidemment de formes
frustes mais néanmoins indiscutables. Les singes
ne sont d'ailleurs pas les seuls à faire montre
de tels comportements. Des études menées
sur les souris à l'Université McGill de
Montréal les ont également mis en évidence.
Ces
études contredisent les néo-kantiens qui
attribuent la morale humaine à des raisonnements
rationnels, pouvant d'ailleurs être égoïstes
("grattez un altruiste, avait dit élégamment
le biologiste Michaël Ghiselin de l'Académie
des Sciences de Californie et vous verrez saigner un hypocrite").
Ce sont au contraire les émotions qui pilotent
un très grand nombre de comportements sociaux,
que selon notre culture, nous assimilons à de la
moralité ou à de l'immoralité.
La
lecture des ouvrages de Frans de Waal donne d’utiles
informations sur les règles sociales que pratiquent
les grands singes, les animaux les plus proches de nous.
Ces règles ne sont évidemment pas édictées
sous forme verbale. Elles ne sont pas non plus perçues
(percepts) comme le sont des émotions telles que
la peur ou le désir. Néanmoins elles sont
bien implantées dans les comportements et sont
mises en œuvre avec une grande régularité,
que l’animal soit observé dans son milieu
naturel ou en captivité. On peut penser qu’elles
résultent d’une longue évolution ayant
amené à sélectionner, après
essais et erreurs, ce qui était le plus profitable
à la survie d’une espèce donnée
dans un habitat donnée. Elles relèvent certainement
de l’épigénétique, c'est-à-dire
à la fois de l’inscription dans les génomes
et de la construction par la pratique innovante et l’exemple.
On note que les comportements que nous qualifierions par
abus du langage anthropomorphique de « moraux »
sont parfois différents selon qu’il s’agisse
des bonobos ou des chimpanzés, principalement étudiés
par Frans de Waal. Ils peuvent différer aussi dans
chaque espèce selon le caractère de chaque
individu. Ainsi les bonobos font preuve d’une grande
capacité d’empathie et de sympathie, qualités
considérées comme des vertus morales chez
les humains. Ils ont éliminé l’infanticide,
courant dans d’autres espèces du fait que
le mâle dominant tue les descendants de son rival
quand il l’a éliminé. L’infanticide
devient impossible chez les bonobos car ils pratiquent
la fécondation croisée, laquelle ne permet
pas d’identifier les pères. C’est donc
la femelle qui domine la société. Ce n’est
pas un choix moral, mais c’est cependant un choix
acquis au niveau du super-organisme qu’est l’espèce.
Bonobos et chimpanzés sont également capables
de soigner des compagnons blessés ou de secourir
soit un des leurs, soit un autre animal en difficulté.
Les chimpanzés, de leur côté, sont
souvent querelleurs et violents. La force y est particulièrement
respectée. Ils pratiquent coalitions et alliances
avec beaucoup de constance. On retrouve là d’autres
qualités valorisées dans les codes moraux
humains.
A partir de ces exemples, en s’appuyant sur les
rares vestiges et l’observation des tribus mélanésiennes
restées sans doute assez proches de nos ancêtres
paléolithiques, on peut imaginer comment les rituels
précédents se sont « durcis »
et « rationalisés » chez les prédécesseurs
et contemporains de l’homo sapiens, ainsi que dans
les différentes branches de sapiens, exposées
à des conditions de vie différentes. Frans
de Waal affirme que c’est l’établissement
de relations de couples, grâce auxquelles les hommes
et les femmes s’occupent ensemble de leurs enfants,
qui a été déterminant pour le progrès
des hominiens. Une relation de couple signifie l’instauration
d’une famille dite nucléaire, où les
pères cessent de se battre pour les femelles et
peuvent s’investir dans les soins parentaux et dans
la vie collective, de même que les femmes le peuvent
dans les tâches qui leur sont réservées.
Mais la sexualité doit y être maîtrisée,
voire pratiquement refoulée en dehors de la période
de la fécondation. Ce qui suppose nombre d’interdits
ou tabous. Ce n’est qu’une hypothèse,
que refuseraient sans doute d’autres anthropologues,
mais elle est intéressante. On pourrait y voir
la source de l’interdiction de la sexualité
libre, de l’adultère et de l’inceste
parents-enfants. La sexualité humaine serait cependant
restée rebelle à l’éradication
culturelle, ce qui multiplie les occasions de péchés,
de repentirs et de punitions, pour le plus grand profit
des églises.
Une conséquence collatérale des travaux
de Frans de Waal devrait être de rendre de plus
en plus insupportable la destruction probable, par l'espèce
humaine, des espèces survivantes de grands singes.
Malheureusment, on en parle mais on laisse faire. Il faut
bien que les rebelles armés de la si bien nommée
République populaire de Congo se nourrissent.
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