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Le
vide peut-il générer du non-vide ?
par Jean Paul Baquiast
03/07/06 |
Le lecteur
ne doit pas considérer, à la lumière
des considérations sur le vide que nous avons souvent
présentés dans cette revue, que la question
du vide soit désormais résolue. Elle est au
cœur de multiples interrogations rapportées par
la presse scientifique.
Le
physicien américain spécialiste des particules,
Victor J. Stenger, dans un livre récent (The Comprehensible
Cosmos. Where do the laws of physics come from ? Prometheus,
2006) explique que les lois de la physique (notamment les
prétendues « constantes fondamentales »)
ne viennent pas d'en haut, autrement dit elles ne précèdent
pas le vide ou ne découlent pas de lois plus profondes
intrinsèques au vide, non plus d'ailleurs qu'à
une organisation logique de notre univers. Ce point de vue,
notons-le, n'est pas tout à fait celui de Seth Lloyd,
déjà rapporté dans nos colonnes : (http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2006/avr/lloyd.html).
Pour
Stenger, les lois de la physique sont des inventions humaines.
Mais ce ne sont pas des inventions arbitraires. Elles consistent
non pas à décrire une « réalité
» physique concernant le comportement de la matière
lequel serait contraint par ces lois. Elles consistent en
contraintes que s'imposent les physiciens pour décrire
ce comportement. En effet, les scientifiques ont découvert
depuis longtemps qu'ils devaient, pour décrire objectivement
la réalité, s'imposer un point de vue invariant.
Les lois de la physique découlent de la nécessité
d'un tel point de vue invariant. Autrement dit, nous vivons
dans un cosmos compréhensible, parce que nous voulons
qu'il le soit. Notre développement en dépend.
Stenger prend comme exemple le principe de symétrie,
qui est responsable de la plupart des lois physiques actuelles,
notamment de la puissante théorie quantique. Celle-ci
ne cesse de se voir confirmée par des résultats
expérimentaux. Que faut-il en déduire ? Seulement
que le principe de symétrie est la seule façon
permettant aux physiciens de s'accorder sur des points de
vue indépendants de leur propre subjectivité,
comme du lieu et de l'époque où les lois en
découlant sont élaborées. Mais pour Stenger
(qui devient ici plus difficile à suivre car son livre
comporte une bonne moitié de formules mathématiques),
les symétries qui conduisent aux lois actuelles de
la physique sont exactement les mêmes que celles qui
s'appliqueraient si l'univers était totalement vide.
Ce sont des symétries du vide.
Comment
alors quelque chose comme notre univers, qui est loin d'être
vide, peut-il provenir du vide ? Pour Stenger, la réponse
est simple. Comme les lois de la physique sont les lois de
rien, nous n'avons besoin de rien pour provenir de rien. Pourquoi
alors l'univers, qui n'est pas rien, est-il apparu? Parce
que quelque chose qui n'est pas rien est plus stable que rien.
Au début, il y avait le vide, gouverné par les
lois du vide, mais du vide a émergé quelque
chose, et quelque chose de structuré. Pourquoi, parce
que quelque chose qui soit structuré est plus stable
que rien. De même l'eau liquide se change en glace (cristallisée)
à basse température parce que la glace est plus
stable que l'eau liquide à ces températures.
Nous retrouvons là sous une autre forme une des hypothèses
relative à l'origine de notre univers. Celui-ci serait
né d'une fluctuation aléatoire de l'énergie
du vide, dont les particules auraient pu aussi bien s'annihiler
que se matérialiser, par la création (elle-même
aléatoire) d'un seul atome lequel aurait provoqué
des décohérences en chaîne dans les particules
quantiques du vide initial.
Nous
pouvons nous intéresser au travail de Stenger, aussi
ésotérique puisse-t-il paraître, pour
une raison plus immédiate, liée à la
question du matérialisme. Stenger est un matérialiste
convaincu. Son livre veut démonter les arguments des
physiciens spiritualistes pour qui des lois de la physique,
prééxistantes ou intrinsèques au vide
révèleraient l'existence d'un Dieu intemporel
et immatériel. Pour lui, le vide ne révèle
rien du tout en soi. Les physiciens peuvent s'accorder ou
non sur l'existence de lois découlant du vide et définissant
le comportement de notre univers. Il ne s'agit que d'une question
d'opportunité. S'ils éliminent l'hypothèse
d'un Dieu créateur, susceptible de multiples interprétations,
cela leur permettra plus commodément de s'accorder
sur la « réalité » d'un univers
matériel objectif qu'en fait, ce faisant, ils contribueront
à construire. On rejoint là le constructionnisme
évoqué dans notre livre.
On
notera que dans un second livre à paraître en
2007, God, the Failed Hypothese. How Science shows that
God does not exist (Prometheus), il aborde un thème
que beaucoup de scientifiques matérialistes n'osent
pas traiter de front : comment la science démontre-t-elle
la non-existence de Dieu. Dans un livre précédent
de 2003, (Has Science found God?) il démontait
les arguments selon lesquels la science justifiait l'existence
de Dieu. Dans celui-ci, il explique que la science démontre
la non-existence de Dieu, tout au moins d'un Dieu tel que
le définissent les religions monothéistes judéo-chrétiennes
et islamiques. Autrement dit, il n'argumente pas seulement
sur l'absence de preuves positives mais sur le fait que la
science apporte des preuves très fortes à l'affirmation
que Dieu n'existe pas. Non seulement l'univers ne montre aucun
indice de l'existence d'un Dieu quelconque mais encore il
se révèle être exactement tel qu'il devrait
être s'il n'y avait pas de Dieu. Dans un dernier chapitre,
il explique pourquoi, selon lui, il est préférable
de vivre dans un monde sans Dieu.
Victor
Stenger est un passionné de la démythification,
comme le montrent les nombreuses références
publiées sur son site. Il s'élève ainsi
fortement contre le surnaturel.
Pour
en savoir plus
Victor
J. Stenger. http://www.colorado.edu/philosophy/vstenger/