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Les
futures guerres pour les ressources naturelles.
Gaïa
par
Jean-Paul Baquiast
26 mars 2006 |
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Dans
un discours devant le prestigieux Royal Institute of International
Affairs (Club politique britannique dit dorénavant
Chatham House, http://www.chathamhouse.org.uk/),
le secrétaire à la défense John Reid
a prédit la venue prochaine de violents conflits
pour l’accès aux ressources naturelles : terre
arable, eau et énergie à usage domestique.
Pour lui, la crise humanitaire au Darfour est le signe avant
coureur de tels conflits, qui devraient se généraliser
dans les prochaines années.
Les pays sous-développés en seront les premières
victimes, mais les pays riches n’y échapperont
pas. Avec la montée du niveau des eaux, la disparition
des sources d’eau potable, la ruine des agricultures
traditionnelles devant la désertification et la pollution,
les pays riches situés dans les zones tempérées
ne pourront plus préserver leurs privilèges.
Les guerres pour les ressources vitales vont devenir un
phénomène mondial.
Cet avertissement est significatif d’une nouvelle
inquiétude se répandant chez les prévisionnistes
occidentaux. Au lieu d’imputer les futurs conflits
à de prétendues guerres de civilisations à
base religieuse, les experts les voient éclater au
sein de populations désespérées, qui
n’auront plus rien à perdre et qui se transformeront
en combattants autrement irréductibles et nombreux
que les éventuels combattants de la foi. Les pays
riches seront confrontés à des marées
humaines impossibles à contenir, plus ou moins pacifiques
au départ puis de plus en plus violentes. On en a
de petits exemples aux frontières méridionales
de l’Europe, en provenance notamment de l’Afrique
sub-saharienne. Les Etats-Unis enregistrent la même
chose, sur une échelle sans doute moindre, le long
de la frontière avec le Mexique. Les tensions actuelles
ne sont rien par rapport à celles qu’exerceront
des centaines de millions de personnes chassées de
leurs territoires traditionnels par les futurs désastres
résultant des changements climatiques.
Le même diagnostic avait été présenté
dans un rapport préparé par le ministère
de la Défense américain en 2003, intitulé
"An Abrupt Climate Change Scenario and Its Implications
for United States National Security". Ce rapport
prévoyait, contrairement à une opinion répandue,
que les changements climatiques ne seront pas lents et gradués,
laissant le temps aux adaptations. Ils seront au contraire
brutaux et cataclysmiques : remontées brutales des
eaux, cyclones de grande amplitude, sécheresses et
désertification (dust bowl). Les survivants
se battront d’abord entre eux avant de s’en
prendre à des voisins plus lointains mais plus favorisés.
Pour les auteurs du rapport, la confrontation militaire
sera inévitable. Mais que signifiera-t-elle exactement
? Verra-t-on s’affronter des foules peu armées
et les troupes surarmées et suréquipées
des pays riches ? Ne verra-t-on pas plutôt des minorités
terroristes issues des pays démunis et utilisant
les armes de destruction massive circulant déjà
largement dans le tiers monde porter la guerre au sein même
des sociétés considérées comme
favorisées ? De toutes façons, bâtir
des fortifications et développer des armes de plus
en plus sophistiquées ne servira à rien aux
pays riches. On le voit déjà en Irak où
la plus puissante armée du monde est désormais
incapable de l’emporter sur des combattants tribaux.
C’est que l’humanité ne sera pas seulement
confrontée, comme on le dit souvent, à des
problèmes de type environnementaux. Elle verra se
désintégrer des sociétés entières.
Les sociétés pauvres s’effondreront
les premières, sous l’effet de la famine et
des migrations de masse. Les sociétés riches
les rejoindront dans la destruction générale
de leurs modes de vie et de leurs valeurs prétendues
humanitaires, ceci au prétexte de se protéger
contre l’assaut des pauvres. On risque de voir se
généraliser les situations provoquées
par les persécutions nazies en Europe de l’Est
et en Russie, où des foules déplacées
et paniquées étaient soumises à la
loi du plus fort.
Les Etats développés auront sans doute leurs
opinions publiques pour eux s’ils recourent à
la force pour se défendre. Mais ce sera oublier que
c’est l’égoïsme de ces mêmes
Etats qui aura été, pendant les premières
décennies du 21e siècle, le déclencheur
des catastrophes. Les Etats-Unis, premiers pollueurs de
la planète, continuent à refuser toute mesure
efficace de limitation de la production des gaz à
effet de serre. Ils seront bientôt rejoints par les
Européens, jusque là en pointe dans ce combat.
Ceci est si vrai que le chancelier de l’échiquier
Britannique Gordon Brown, candidat à la succession
de Tony Blair, s’inquiète lui-même, à
la suite d’un autre rapport qui vient de lui être
remis et qui sera rendu public cet automne (Voir The Independant
http://news.independent.co.uk/environment/article353476.ece)
de voir que le Premier ministre, après s’être
fait le champion de la lutte contre les changements climatiques,
serait sur le point d’entériner le non respect
par la Grande Bretagne des objectifs de réduction
annoncés précédemment. L’Union
Européenne dans son ensemble devrait suivre le même
exemple. Les objectifs annoncés seront abaissés
d’au moins 20%. La raison de ce recul sera la volonté
de ne pas défavoriser les industries nationales en
leur imposant des critères de protection du climat
qui ne pèseraient pas sur leurs concurrentes américaines
et asiatiques. Gordon Brown, au contraire, manifeste l’intention
de tenir bon sur les objectifs de réduction annoncés
par la Grande Bretagne. C’est tout à son honneur.
Mais se fera-t-il entendre, et persévérera-t-il
?
De toutes façons, les objectifs de Kyoto sont insuffisants
pour prévenir les changements climatiques, comme
le répète désormais l’International
Panel on Climate Change (IPCC). Il faudrait adopter des
mesures radicalement différentes de celles envisagées,
notamment pour abandonner définitivement et rapidement
tout recours aux énergies fossiles.
Ceci
n’aurait qu’une signification claire : investir
massivement dans le nucléaire. Des environnementalistes
convaincus et peu suspects de démagogie à
l’égard de l’industrie nucléaire
le disent dorénavant plus ou moins haut. C’est
le cas de James Lovelock, auteur de la célèbre
hypothèse dite Gaïa, selon laquelle la Terre
se comporterait comme un organisme vivant capable dans certaines
limites de réparer les atteintes à son homéostasie.
Aujourd’hui, pour Lovelock, les capacités d’adaptation
de Gaïa sont saturées. Il recommande, dans son
livre « The Revenge of Gaïa »
(Allen Lane, 2006) la généralisation de l’énergie
atomique, de fission d’abord, de fusion ensuite. La
moindre des choses, avant de le lui en faire reproche, serait
de lire son ouvrage.
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