Article
L'Hyper-propulsion selon Burkhard Heim
Jean Paul Baquiast
1er février 2006
La
revue NewScientist, qu'on ne peut suspecter de vouloir chercher
le sensationnel, a consacré un article - A leap
into hyperspace (7 janvier 2006, p. 24) - à
l'hypothèse de ce que l'on appelle désormais
l'hyper-propulsion [(hyper-drive), à ne
pas confondre avec l'anti-gravité). La revue rappelle
que le thème, plus fréquent chez les auteurs
de science-fiction que chez les physiciens, avait été
développé dans les années cinquante
par Burkhard Heimbie, physicien allemand génial bien
connu dans son pays mais très peu ailleurs. Bien
avant que la gravitation quantique ne soit devenue à
la mode, il s'était attaqué à l'apparent
fossé infranchissable qui sépare la mécanique
quantique de la relativité générale
einsteinienne. Rappelons que ces deux théories, vérifiées
sans cesse depuis leur apparition, chacune dans son domaine,
sont incompatibles quand elles décrivent l'espace.
Pour la relativité, l'espace est malléable.
Ses quatre dimensions se déforment en la présence
de masses. La gravité résulte de cette déformation.
Pour la mécanique quantique, l'espace est donné
une fois pour toutes et n'est pas sensible à l'activité
des particules qui s'y trouvent. Heim, comme Einstein l'avait
fait d'ailleurs en son temps, s'était attaqué
à ce paradoxe mais, contrairement à Einstein,
il avait réussi à décrire un nouveau
jeu de dimensions duquel pouvaient émerger toutes
les forces fondamentales.
Il avait abouti ce faisant à un univers à
six dimensions dans lequel il serait possible de convertir
l'énergie électromagnétique en gravitation,
et vice-versa. Autrement dit, un champ magnétique
rotatif suffisamment puissant associé à un
vaisseau spatial pourrait réduire l'influence de
la gravité s'exerçant sur lui. Ainsi ce vaisseau
pourrait-il décoller et se déplacer dans l'espace
à des vitesses impossible à atteindre avec
les modes de propulsion classiques. Le voyage de la Terre
à Mars pourrait par exemple prendre 6 heures au lieu
de plusieurs semaines.
Cette
hypothèse avait attiré sur Heim l'intérêt
de tous les physiciens de l'époque, notamment de
Werner von Braun. Mais Heim, avec une probité qui
lui faisait honneur, souhaitait avant de publier ses travaux
pouvoir les vérifier expérimentalement. Malheureusement
il ne parlait qu'allemand et souffrait de nombreux handicaps
physiques dus à un accident de laboratoire à
une époque où il expérimentait des
moteurs de fusées, si bien qu'il ne sut pas trouver
de financements pour ce faire. Il poursuivit cependant ses
travaux théoriques et produisit une série
d'équations permettant de calculer les masses des
particules fondamentales. Ce travail publié en 1977
dans le journal du Max Planck Institut Zeitschrift für
Naturforschung était si abscons qu'aucun physicien
ne prétendit pouvoir le comprendre. Néanmoins,
à la surprise générale, développé
sur informatique en 1982 par des chercheurs du Deutsch
Electron Synchrotron de Hambourg (DESY), il se révéla
capable de prédire les masses des particules fondamentales
en conformité avec les mesures expérimentales.
La précision atteinte était largement supérieure
à celle permise en appliquant les équations
du modèle standard.
A la
suite de quoi Heim écrivit trois livres précisant
ses idées puis il mourut en 2001. Après diverses
péripéties - que nous ne résumons pas
ici -celles-ci furent reprises par un certain Walter Dröscher,
ingénieur retiré de l'Office des Brevets autrichien
(les Offices des brevets jouent on le voit un grand rôle
dans l'histoire de la physique européenne ! ). Dröscher
formula l'hypothèse d'un espace dit de Heim-Dröscher
à huit dimensions. A partir de là, selon Dröscher,
il était possible de postuler l'existence de deux
nouvelles forces, l'une antigravitationnelle répulsive
analogue à l'énergie noire supposée
aujourd'hui produire l'expansion de l'univers et l'autre,
dite d'hyper propulsion, susceptible de produire l'accélération
d'un vaisseau spatial sans faire appel à aucun carburant.
Avec un collègue de l'Université des sciences
appliquées de Salzgitter, en Allemagne, il proposa
un test expérimental de la propulsion imaginée.
L'American Institute of Aeronautics and Astronautics distingua
et couronna d'ailleurs ce projet en 2005 comme le meilleur
de l'année.
Le
test consisterait à réaliser un champ magnétique
intense grâce à un très grand anneau
tournant autour d'une bobine supraconductrice. La force
électromagnétique produite pourrait réduire
la gravité s'exerçant sur l'anneau jusqu'à
lui permettre de flotter dans l'espace. Avec des champs
magnétiques suffisamment puissants (25 teslas),
un vaisseau de 150 tonnes pourrait décoller. Avec
des champs supérieurs, il échapperait à
l'attraction terrestre grâce à la production
d'une force anti-gravitationnelle répulsive. A
ce moment le vaisseau pourrait être propulsé
dans un hyperespace multidimensionnel où les constantes
de la physique seraient différentes de celles que
nous connaissons. La vitesse de la lumière y serait
plusieurs fois supérieure à celle calculée
aujourd'hui si bien que les temps de déplacement
par rapport à nous seraient considérablement
raccourcis.
Selon le NewScientist, la plupart des physiciens contactés
par le journal continuent à prétendre ne pas
pouvoir juger de la pertinence des équations proposées
par cette hypothèse, auxquelles ils reprochent d'être
incomplètes bien que peut-être prometteuses.
Quant à l'expérience proposée, elle
demanderait des courants magnétiques d'une force
telle qu'elle serait hors de portée des technologies
actuelles(1). Mais là
encore, certains disent que l'expérience serait réalisable,
notamment en utilisant un générateur de rayon
X - nommé la Z Machine - des Laboratoires Sandia
à New Mexico, si les hypothèses théoriques
étaient un peu mieux présentées.
Nous pensons comme beaucoup que l'enjeu serait si énorme,
en cas de succès, qu'il serait judicieux de tenter
l'expérience – ceci d'autant plus que la
troublante précision avec laquelle la théorie
de Heim prédit les masses des particules élémentaires
constitue un argument fort en sa faveur. On peut même
rêver un peu plus. On sait que la plupart des cosmologistes
estiment aujourd'hui que les théories respectives
de la relativité et de la mécanique quantique,
après cent ans de bons et loyaux services, ont
désormais fait leur temps. Elles cacheraient une
nouvelle théorie (qui ne serait pas nécessairement
la théorie des cordes ou M Theory) à partir
de laquelle on comprendrait comment l'espace et le temps
peuvent « émerger ». Pour certains,
cette nouvelle théorie est à portée
de mains. Seulement, personne ne l'a encore formulée.
Et si l'hypothèse de Heim constituait un premier
pas vers cette découverte révolutionnaire,
à la suite de laquelle notre conception de l'univers
– et de notre façon de nous y mouvoir - seraient
radicalement changées ? Cela vaudrait bien la peine
d'y travailler un peu. L'Europe, en reconnaissance d'un
travail dû entièrement à un génie
allemand insuffisamment connu, pourrait y consentir quelques
crédits.
(1)
Un
lecteur du NewScientist s'est demandé pourquoi on
ne pourrait pas faire des expériences de lévitation
telles que décrites mais portant sur de petits objets.
D'où moindre coût. Bonne question mais restée
sans réponse !
Pour
en savoir plus
Article
du NewScientist
http://www.newscientist.com/channel/fundamentals/mg18925331.200.html
L'article
du NewScientist a provoqué une grande émotion
dans le monde de la physique, notamment en Allemagne. Un
groupe de chercheurs a décidé de présenter
les travaux de Heim [mieux que selon eux ne l'avait fait
l'auteur de l'article]. On consultera avec intérêt
leur site http://www.heim-theory.com/
Il
existe un grand nombre d'autres sites sur la Théorie
de Heim, presque tous en allemand. Pour les non-germanistes,
aujourd'hui encore, cela ne facilite pas l'approche de cette
théorie.
On
pourra lire cependant une discussion de la théorie
sur le blog DamnInteresting à qui nous empruntons
la photo ci-dessus de Heim
http://www.damninteresting.com/?p=337
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