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Phénomènes
politiques et sciences de la complexité
NATIONALISME ET GENOCIDE DANS LE CAS DU CAMBODGE
Par
Hélène Lavoix
Docteur en Sciences Politiques – Ph.D. (SOAS –
Université de Londres)
22 mai 2005
Les
sciences politiques revendiquent un héritage ancien
et prestigieux, de Platon à Weber en passant par
Hobbes ou Kant, tant au niveau théorique que pratique
; on pensera notamment au Prince de Machiavel. Confondues
pendant longtemps avec l’histoire, dont les faits
constituent son matériau empirique, et la philosophie,
les sciences politiques ont acquis au vingtième siècle,
avec l’ère des spécialisations, la qualité
d’une discipline à part entière. Malgré
la diversité des approches et branches, il s’agit
fondamentalement de comprendre et expliquer les processus
qui sous-tendent l’organisation de la polis (la cité
grecque et par extension une organisation humaine), tant
au niveau interne, dans ses liens avec ses membres, que
de façon externe, dans ses relations avec les autres
polis. Qui plus est, en tant que science, cette compréhension
doit avoir une capacité prédictive, ne serait-ce
qu’en terme de tendances.
Les sciences de la Complexité sont pluridisciplinaires
et incluent aussi bien ce que les anglo-saxons nomment les
sciences dures telles la physique, les théories de
l’information ou la biologie, pour n’en citer
que quelques unes, que les sciences humaines et sociales,
telles l’archéologie ou l’économie.
Promues en France notamment par le philosophe sociologue
Edgar Morin, mais aussi utilisées de façon
pluridisciplinaire, par exemple, par Laurent Nottale, Jean
Chaline et Pierre Grou, l’essence des sciences de
la Complexité peut se résumer brièvement
à la recherche de la compréhension des relations
entre les parties et le tout. . La Complexité se
caractérise notamment par un refus de la linéarité
et de la mono-causalité, par la considération
des difficultés liées au principe de l’identité
et par un respect des principes de la dépendance
au temps (time-dependence).
La polis étant constituée d’êtres
humains et cependant formant un tout, dont les caractéristiques
et le nom évoluent au fil de l’histoire (par
exemple, la tribu, la cité, l’Etat pré-moderne,
l’Etat moderne qui donna l’Etat-nation), elle
semble évidemment être un terrain de prédilection
pour la Complexité. Ainsi les sciences politiques
peuvent être considérées comme faisant
partie des sciences de la Complexité. Qui plus est,
les principes de la Complexité, dont certains sont
succinctement énoncés ci-dessus, devraient
permettre de transformer en défis des obstacles qui
tendent à sembler insurmontables aux sciences politiques
étudiées de façon classique. Si nous
prenons l’exemple, au sein des sciences politiques,
des Relations Internationales (lesquelles furent développées
en tant que discipline au lendemain de la première
Guerre Mondiale, notamment à l’initiative d’Alfred
Zimmern à Oxford, et ne se bornent pas à la
géopolitique mais incluent un large corpus de recherche
et théories), leur statut de sciences fut mis à
mal par une soi-disant incapacité à prévoir
la fin de la Guerre Froide. Donc, l’anticipation,
bien sûr probabilisée, semble éluder
les politologues et reléguer l’ensemble des
sciences politiques loin de ceux qui prennent les décisions
et auraient besoin d’analyses prédictives pour
ce faire.
Cependant, je suggère ici, qu’en adoptant l’approche
complexe pour l’étude des phénomènes
politiques, nous pourrons, de nouveau, obtenir une capacité
de prédiction et d’explication fiable. En d’autre
mots, si nous pouvions montrer l’utilité des
sciences politiques, alors un progrès réel,
se mesurant notamment en nombre de morts évitées
et de souffrances épargnées, aurait lieu.
Nous illustrerons ce propos en montrant ici comment le «
nationalisme » et le génocide peuvent mieux
se comprendre en utilisant les sciences de la Complexité,
et nous donnerons des exemples d’application pratique
issus de la théorie. Le cas d’école
que nous suivrons, de façon résumée,
porte sur les liens existant entre « nationalisme
» et génocide, le but étant d’élucider
pourquoi un processus génocidaire eut lieu au Cambodge
entre 1970 et 1979 et comment le sentiment national Kampuchéen
de la période 1970-1979 interagit avec ce processus
génocidaire.
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