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Article
Révolution
dans l'optique
par Jean-Paul Baquiast
04/11/04
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On
sait que les caméras numériques remplacent progressivement
les appareils classiques, tant dans la photographie que dans
le cinéma -ce qui oblige d'ailleurs les fabricants
de films tels Kodak à de douloureuses reconversions.
Mais on connaît moins la petite (ou grande) révolution
qui affecte les caméras numériques. Leur taille
et leur coût diminuent sans cesse, tandis qu'augmente
en contrepartie leur sensibilité. Les premières
caméras grand public atteignaient 300.000 pixels, alors
qu'aujourd'hui les caméras embarquées dans les
téléphones mobiles permettent de saisir 3 millions
de pixels (3 mégapixels) et les caméras professionnelles
16 mégapixels. Nous ne mentionnons pas ici les caméras
utilisées dans les télescopes terrestres ou
en orbite, civils et militaires, qui atteignent les gigapixels,
mais celles-ci n'étant pas encore mises à la
disposition du grand public.
L'évolution technologique se traduit par une inflation
de la demande émanant des consommateurs. La partie
la plus visible du marché en train de se créer
concerne les mobiles téléphoniques. Au Japon
et même en Europe, les nouveaux produits incluent presque
tous une caméra permettant d'envoyer et recevoir des
photos par le réseau. Le passage à l'Internet
haut débit sur mobiles accroîtra encore les possibilités
d'utilisation.
Plusieurs questions découlent de ce phénomène.
Les unes concernent la technologie, les autres les usages.
En matière de technologie, le point le plus marquant
est le remplacement des optiques classiques par d'autres solutions.
L'exigence d'une grande sensibilité impose aux lentilles
classiques (souvent composées d'une douzaine d'éléments)
des contraintes en matière d'adaptation de la distance
focale qui se heurtent très vite à des limites
à la fois physique et économique. Dans le même
temps, la capacité de stockage des CCD ne cessait d'augmenter.
Il a donc fallu inventer des solutions optiques nouvelles.
Il s'agit de ce que l'on pourrait appeler la lentille liquide.
Une goutte de liquide placée sur une plaque et soumise
à une charge électrique voit sa forme se modifier
selon l'intensité du courant. Des lentilles de ce type
permettent de réaliser des zooms très puissants,
de façon économique et robuste.
C'est la firme lyonnaise Varioptic qui a développé
cette technologie et qui la commercialise à divers
grands clients, notamment le coréen Samsung. Il s'agit
d'une solution polyvalente pour de très nombreuses
applications : caméras de tous types, équipement
médical, identification (sécurité) et
automobile. Le développement technologique et industriel
de Varioptic est aussi liée aux capacités de
financement dont il a pu bénéficier à
sa création et depuis lors. Un grand concurrent, Philips,
expérimente également cette technique.
Une autre façon de miniaturiser la saisie optique est
d'utiliser un réseau de diodes sensibles à la
lumière, formant l'équivalent d'un œil
d'insecte. Cette technologie est développée
au sein du Fraunhofer Institute for Applied Optics à
Iéna, Allemagne. Le prototype mesure de 0,4mm d'épaisseur.
(http://www.iof.fhg.de/index_e.html).
On
considère généralement que la mise en
place d'une caméra dans un mobile téléphonique
et l'envoi d'images fixes ou animées à des correspondants
n'a qu'un intérêt ludique. C'est en partie vrai
actuellement du fait de la mauvaise définition des
images. Mais il serait trompeur de sous-estimer les retombées
de ces pratiques. Les jeunes qui auront acquis une grande
familiarité avec de tels systèmes seront bien
plus disposés que leurs aînés à
entrer dans une civilisation où l'image sera partout,
y compris dans les univers virtuels, compléments incontournables
des univers réels.
Par ailleurs, au plan professionnel, comme l'indique Varioptic
sur son site, les personnes équipées de telles
caméras pourront enrichir considérablement leurs
possibilités de travail à distance. Des photocopieurs
intelligents pourront saisir et analyser en ligne des documents
ou des objets (étiquettes, empreintes digitales) en
liaison avec une centrale de traitement des données.
Les urgentistes pourront également transmettre à
fin de pré-diagnostic l'images de blessures ou accidents
corporels. D'une façon générale, la caméra
optique par téléphone deviendra le complément
indispensable du télétravail en temps réel.
Ceci ne manque pas évidemment de susciter des inquiétudes.
On parle déjà d'un envahissement de la vie professionnelle,
d'une prime donnée aux indiscrets sinon aux malveillants,
avec possibilité de piratages et chantages multipliées.
Mais l'évolution de la technologie et des usages ne
s'arrêtera pas pour autant.
Pour
en savoir plus
Varioptic
:
http://www.varioptic.com/v3/index.php
Dossier
du NewScientist 16 octobre 2004, p. 24
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