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Article
A propos
de: |
Les
leçons de la mécanique quantique. Vers une
épistémologie formalisée
de Mme Mioara
Mugur-Schächter |
par Jean-Paul Baquiast
26 avril 2004
Ce titre est celui
d'un article paru dans Le Débat (N° 94, mars-avril
1997) sous la signature de la physicienne et philosophe des
sciences Mioara Mugur-Schächter, professeur de physique
théorique, ancienne directrice du Laboratoire de Mécanique
quantique et de structure de l'information à l'université
de Reims. L'article est aujourd'hui disponible en français
sur Internet à l'adresse suivante http://ns3833.ovh.net/~mcxapc/docs/conseilscient/mms1.pdf
Le
thème est également celui d'un livre en anglais
paru en 2002 : Quantum Mechanics. Cognition and Action.
Proposals in Epistemology (Kluwer Academic, 2002) coordonné
et largement inspiré par Mme Mioara Mugur Schächter
et son collègue Alwyn van der Merwe. L'article et l'ouvrage
sont les premiers résultats d'un travail en commun
conduit à l'initiative de Mme Mugur-Schächter
par le Centre de Synthèse pour une épistémologie
formelle (CESEF), fondé en 1994, qu'elle préside.
Ce Centre rassemble des chercheurs qui ont été
aussi auteurs d'ouvrages sur les sciences de la complexité,
dont un grand nombre sont français ou francophones.
Leur réunion au sein d'un groupe de mise en commun
des compétences épistémologiques représente
une première qu'il faut signaler. Nous nous faisons
pour notre part un plaisir et un devoir d'en informer nos
lecteurs.
Le
livre Constructivisme (Tome 3) du professeur Jean-Louis
Le Moigne, que nous avons présenté dans notre
précédent numéro (http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2004/53/lemoigne.htm),
fait déjà allusion à ces travaux, qu'il
replace d'une façon très claire dans l'opposition
entre le positivisme et le constructivisme. Aujourd'hui, il
semble devenu évident pour tous ceux disposant d'un
minimum de sens critique qu'il n'est plus possible d'envisager
l'existence d'un réel préexistant à l'observateur,
que celui-ci se bornerait à décrire de façon
de plus en plus approchée grâce au travail scientifique.
L'observateur construit le réel qu'il observe et se
construit en même temps. Mais est-il nécessaire,
pour un physicien du moins, d'admettre qu'il y a par ailleurs
quelque chose derrière l'observé, comme d'ailleurs
derrière l'observateur?
Cette
question de la consistance du réel s'impose dans
pratiquement tous les domaines des sciences macroscopiques:
mathématiques, biologie, science des organisations,
théorie de la communication, robotique et vie artificielle.
Elle est évidemment aussi à l'ordre du jour
dans la philosophie des connaissances ou épistémologie.
Comme on sait, il se trouve que dès les débuts
de la mécanique quantique, dans les années
20 du 20e siècle, les physiciens quantiques avaient
annoncé que les manifestations observables des micro-entités
qu'ils étudiaient étaient construites au cours
du processus d'investigation. Mais il aura fallu de nombreuses
décennies pour que l'on puisse clairement distinguer
entre les méthodologies d'étude du macroscopique
et celle du microscopique. Ce délai a tenu en partie,
comme l'indique Mme Mugur Schächter, au caractère
cryptique de la notation quantique, ainsi qu'au peu d'intérêt
des physiciens vis-à-vis des questions épistémologiques
et philosophiques. Peu leur importait, sauf exceptions,
d'envisager ce qu'il y avait ou non derrière les
observables, pourvu que les prévisions faites sur
les phénomènes se révèlent justes.
Ce souci de pragmatisme est encore dominant. Demain, les
ingénieurs pourront de même réaliser
un ordinateur quantique sans se poser la question de la
consistance métaphysique de l'intrication (entanglement)
et de la décohérence, pourvu qu'ils puissent
tirer parti de ces deux phénomènes avec un
taux d'erreurs acceptable dans des technologies applicatives.
Nous
avions noté dans des articles précédents
de cette revue (voir notamment "Un réel constructible".
http://www.automatesintelligents.com/echanges/2003/nov/philo4.html)
qu'au plan philosophique comme au plan de la recherche quotidienne,
séparer sciences du macroscopique et physique quantique
était pourtant de moins en moins possible, compte-tenu
du développement récent des sciences de la
complexité, qui toutes privilégient l'approche
constructiviste-relativiste. Mais il faut tenir compte aussi
de la popularité croissante des thèmes à
la confluence de la cosmologie et de la mécanique
quantique, ainsi que le développement des nanosciences
et autres technologies utilisant des entités quantiques
qui vont dans les prochaines années envahir l'univers
quotidien. Tous ces éléments poussent à
poser de nouveau les questions intéressant la méthodologie
de recherche, l'analyse philosophique des procédures
et des résultats et finalement, la place de l'esprit
humain, de la conscience et autres "observable"
encore mal définis dans toute cette apparence d''évolution
cosmologique où nous serions engagés.
C'est
l'ambition de l'ouvrage Quantum Mechanics. Cognition
and Action. Proposals in Epistemology que de suggérer
une approche véritablement nouvelle des stratégies
épistémologiques intéressant l'ensemble
des sciences de la complexité, inspirée de
celle de la mécanique quantique, notamment sous l'angle
des relations entre observateur, instrument et observé.
Il s'agit de proposer ce que les auteurs appellent une méthode
de conceptualisation relativisée. Ce livre,
notamment les chapitres rédigés par Mme Mugur
Schächter, nous paraît absolument révolutionnaire.
Il devrait en résulter la nécessité
de repenser dorénavant tout le processus d'acquisition
et de formulation des connaissances. Mais comme il s'agit
d'un livre dense, dont la compréhension demande du
temps, nous n'en parlerons pas ici pour le moment, sauf
à présenter ci-dessous sa table des matières.
On peut seulement s'étonner que sa diffusion, au
moins en France, n'ai pas eu l'impact que la méthode
mérite. Nous allons dans l'avenir essayer de réparer
ce manque de clairvoyance de nos "intellectuels".
Par
contre, il paraît nécessaire sans attendre
de résumer ce qui est au fond l'essentiel du livre
: les modes de conceptualisation du réel dans la
mécanique quantique, qui sont à la base de
la méthode de conceptualisation
relativisée. Les auteurs proposent d'en
tirer parti dans les autres domaines scientifiques. Ceci
n'a rien d'étonnant si l'on admet que, de plus en
plus, la mécanique quantique (et la gravitation quantique
dans laquelle elle devrait se prolonger) sera considérée
comme la mère de toutes les sciences, dont les autres
ne sont que des applications particulières et nécessairement
bornées. Elle est donc aussi la mère de tous
les savoirs. Elle montre comment " les actes épistémiques
de l'homme peuvent s'appliquer directement sur de l'inobservable
et en extraire des prévisions observables qui se
vérifient souvent avec des précisions troublantes
" (...) La mécanique quantique, comme un scaphandre,
peut nous faire descendre jusqu'au niveau véritablement
premier de notre conceptualisation du réel ".
Ces
affirmations de Mme Mugur Schächter sont évidemment
essentielles dans la mesure où elles éclairent
"explicitement certains traits fondamentaux de la
nouvelle pensée scientifique". Mais elles
intéresseront aussi les roboticiens dont les robots
autonomes sont ou seront conçus pour redécouvrir
dans leur domaine la connaissance de leur environnement
sans aucune intervention humaine préalable - ce qui
plaiderait en faveur de l'hypothèse selon laquelle
l'acquisition de connaissances à partir de "
rien " était une caractéristique essentielle
de l'évolution. (voir sur le thème de l'acquisition
du langage par les robots notre interview de Pierre-Yves
Oudeyer http://www.automatesintelligents.com/interviews/2003/dec/pyoudeyer.html).
Il
faut lire en détail, crayon en main si nécessaire,
l'article du Débat rédigé par Mme Mugur
Schächter, référencé ci-dessus.
Mais comme le texte en est parfaitement clair et se suffit
à lui-même, plutôt que le résumer,
nous allons essayer un petit exercice essayant d'appliquer
au monde macroscopique les méthodes des physiciens
quantiques dans l' étude des "états
de microsystèmes" ("entités dont
nous affirmons l'existence mais qui ne sont pas directement
perceptibles par l'homme" ).. Notre exercice se
bornera à des analogies grossières et ne vise
pas à être autre chose qu'un amusement à
but pédagogique. Il peut avoir cependant l'intérêt
de mettre en évidence l'applicabilité de la
méthode à des problèmes du monde macroscopique
jugés à tort triviaux
(1).
Notre
cas, purement analogique, répétons-le,
et sans aucun intérêt pratique, concernera
le monde des sentiments intimes. Pour une personne,
deviner et prédire ce que pense d'elle une
autre personne est souvent aussi difficile que prédire
le comportement des systèmes quantiques. Nous
ne sommes pas dans le microscopique, mais dans une
sorte de virtuel, qui lui ressemble beaucoup. Pour
la clarté de l'exercice proposé, il
est fortement recommandé au lecteur de suivre
parallèlement, paragraphe par paragraphe, le
texte de Mme Mugur Schächter préalablement
imprimé.
Soit
un état de "système virtuel"
dont j'affirme l'existence mais qui n'est pas directement
perceptible par moi, le sentiment d'amour que Mme A.
éprouverait pour moi et dont je voudrais bien
vérifier la consistance. Bien que ne pouvant
le percevoir directement, je le qualifie et, en termes
de prévisions de ses effets, j'obtiens d'assez
bons résultats. Comment est-ce possible ? Comment
un objet inconnu, l'amour de Mme A pour une personne
donnée (noté par la suite @) peut-il être
fixé en tant qu'objet d'étude. Et si j'y
arrive, comment le décrire ?
Pour
répondre à cette question, nous suivrons
pas à pas la démarche du physicien quantique
résumée par Mme Mugur Schächter
dans son article, en la déformant le moins
possible. Le processus de description de @ s'effectuera,
suivant l'article, en plusieurs étapes :
Comment
d'abord fixer @ en tant qu'objet d'études
? En le CREANT*. J'imagine une entité non
perceptible (virtuelle) que je baptise @. Je réalise
par ailleurs un appareil non-virtuel, apte à
développer, à partir d'interaction avec
cet objet supposé, des marques qui me soient
perceptibles. Ce sera dans ce cas un "émetteur
de questions-enregistreur de réponses" auquel
je demanderai à Mme A de se soumettre, en respectant
les procédures proposées. Mais ceci ne
suffira pas. Je dois savoir à quel état
je dois assigner telle réponse. Si je n'obtiens
que des oui et des non, il ne s'agira que de données
en tant que données.
En
préparant mon matériel, par exemple en
définissant les questions et les réponses
possibles, j'accomplis une "opération
de préparation d'état" et je
pose en principe que cette opération produit
un état virtuel "correspondant"
qui est précisément l'objet de l'étude
que présuppose toute tentative de description
de @. L'opération de préparation peut
alors être notée P@. Mais @ n'est qu'un
étiquetage, il ne pointe vers aucune connaissance.
Il ancre dans le langage le postulat que dès
que j'ai préparé mon appareil de questionnement,
un exemplaire de @ existe en un sens purement factuel.
Il a été extrait du continuum des sentiments
de Mme A, il a été individualisé
face à ce continuum et doté de certaines
propriétés (provoquer des réponses
par un peu, beaucoup, passionnément,
pas du tout sur mon enregistreur). En ce sens
il constitue désormais un objet d'étude
"spécifié ".
Comment,
nous demande Mme Mugur Schächter, étudier
un objet d'étude encore inconnu et qui ne peut
être perçu ? En le CHANGEANT, dit-elle,
par une opération qui en tire une qualification
percevable. Une description n'exige pas seulement
la spécification d'un objet, elle exige également
un ou plusieurs modes spécifiés de qualification.
Pour le moment, l'étiquetage @ pointe vers
un objet encore confiné hors du domaine du
connu, encore immergé dans la pure factualité.
En
ce qui concerne le sentiment de Mme A, je ne sais rien
à l'avance, pas même qu'il existe. Mais
je pose qu'il existe et j'essaye de forger une toute
première phase de connaissance à son égard
qui, chemin faisant devrait aussi " prouver
son existence "après coup. Or connaître
veut dire décrire et décrire qualifier.
Quant il s'agit de qualifications par des opérations
physiques, je dois spécifier une " opération
de mesure " et l' "appareil de mesure"
correspondant.
Ayant
défini un mode opératoire d'interaction
avec l'état @ à étudier, ainsi
que l'appareil impliqué (mon appareil émetteur
enregistreur de questions-réponses), je l'applique
à @ et j'enregistre une réponse perceptible,
par exemple "un peu"
(je t'aime un peu). J'admets a priori que l'état
virtuel @, lorsqu'il est soumis au mode d'interaction,
change d'une façon que je ne connais pas (on
pourra admettre que toute personne questionnée
n'est plus la même après avoir perçu
la question et y avoir répondu qu'avant). Mais
ce changement inconnu est défini factuellement,
à savoir "c'est celui qui correspond
au mode opératoire mis en action". L'interaction
ne détecte pas une propriété intrinsèque
de l'objet, elle crée une propriété
perceptible d'interaction. Les manifestations perceptibles
de l'observable virtuel sont dénommées
ses "valeurs propres". L'ensemble des valeurs
propres d'un observable virtuel constitue son "spectre".
Le mode opératoire d'interaction qui définit
l'observable virtuel crée une valeur propre perceptible
de cet observable. Mais l'observable n'est pas une
propriété de l'état @. C'est
une opération d'interaction d'un état
virtuel avec un appareil matériel. De ce fait
la valeur propre créée qualifie l'interaction.
Ainsi,
afin de qualifier un état (virtuel), je définirai
des dimensions de qualifications opératoires
qui seront des interactions entre cet état et
un appareil macroscopique et qui créent des effets
d'interaction perceptibles interprétés
selon certaines règles en termes prédéfinis
de "valeurs propres d'observables
".
On voit que le but de connaître des états
virtuels du type des sentiments supposés d'une
personne oblige à une attitude descriptionnelle
radicalement active. On doit créer aussi bien
les objets de description que les qualifications. S'ils
sont de bonne foi, les amoureux fervents, comme les
savants austères, admettront que c'est ainsi
qu'ils construisent l'objet qui les occupe.
Comment
se déroule la préparation de la description
de l'état @ ?
Supposons que l'entité-objet @ produite par la
préparation P est soumis à une opération
de mesure M qui donne une valeur particulière
d'une observable B. Concrètement, supposons qu'à
la question "m'aimez-vous
?", l'appareil réponde par une des
réponses possibles spécifiées soit
"un peu". Ceci
change l'état de départ @, lequel a produit
l'enregistrement d'un effet perceptible qui signifie
l'une des valeurs propres de B. La manifestation
perceptible "un peu"
incorpore une inamovible relativité à
l'opération de mesure M qui a permis de l'obtenir.
Corrélativement, l'exemplaire individuel de l'état
@ qui a été soumis à l'opération
individuelle de mesure M n'existe plus. Il a été
détruit (Quand je suis interrogé sur
l'état d'un de mes sentiments et que je réponds,
cet état est modifié par ma réponse
et l'exemplaire initial est détruit).
Imaginons maintenant que je refasse un grand nombre
de fois l'opération de préparation P et
qu'à chaque fois, sur l'exemplaire de l'état
@ obtenu, je réalise l'opération de mesure.
Si je trouve à chaque fois le même résultat
(soit la réponse "un
peu") que j'avais trouvé la première
fois, je dirai : " l'état virtuel @ est
tel que, s'il est soumis à l'opération
de mesure M, il conduit invariablement au résultat
"un peu". Donc
la caractérisation de @ face à l'opération
de mesure M est terminée. Elle consiste dans
la valeur propre " un peu ".
Mais en général, la réitération
d'un grand nombre de fois de l'opération fait
apparaître tout le spectre de valeurs propres
de B, soit "un peu, beaucoup,
passionnément, pas du tout". La situation
se révèle être statistique.
Dans
ces conditions, la valeur propre "un
peu", à elle seule, n'est pas caractéristique
de @. En quoi peut alors consister la caractérisation
de l'état @ face à l'opération
de mesure M ? Un nouveau pas vers la caractérisation
de @ consiste à établir la distribution
statistique des fréquences relatives obtenues,
à partir de @, pour l'entier spectre de valeurs
propres (un peu, beaucoup,
etc.) de l'observable B. En termes imagés,
on dira que la distribution statistique des fréquences
relatives du spectre des valeurs propres B (supposons
que prédomine la réponse " beaucoup
") est la forme de l'ombre que l'état
virtuel @ jette sur le plan du perceptible selon la
"direction" de qualification "m'aimez-vous".
En d'autres termes, Mme A m'aime beaucoup
(statistiquement).
Mais
je dois me souvenir que la distribution statistique
du spectre des valeurs propres est elle-aussi relative
à l'opération de mesure M mise en jeu.
Ceci veut dire que si le même état virtuel
@ produit par la même opération de préparation
P est examiné via des opérations de mesure
correspondant à des observables différents
de B, je trouverai en général une distribution
probabiliste différente de celle trouvée
pour B. Ce sera le cas, par exemple, si je pose
à Mme A, via l'appareil de mesure, la question
: "voulez vous m'épouser
?" , avec des réponses possibles
situées dans la plage définie par "oui,
tout de suite" d'une part et "êtes-vous
fou ?" d'autre part.
Ainsi,
afin d'augmenter les probabilités d'avoir
véritablement caractérisé @, je
peux rechercher la distribution des fréquences
relatives des "valeurs" de qualification obtenues
par plusieurs biais de qualification différents.
Il sera souhaitable pour bien faire de choisir deux
observables différentes telles que les opérations
de mesure correspondantes soient mutuellement exclusives.
On
résumera en disant que par un très
grand nombre de réitérations d'opérations
macroscopiques qui mettent en jeu une même préparation
d'état P@, mais avec des opérations
de mesure mutuellement exclusives, j'obtiens concernant
l'état @ associé à P une certaine
connaissance globale, probabiliste, qui est un invariant
observationnel associé à P et qui caractérise
l'effet supposé de P@ que j'ai appelé
l'état@, c'est-à-dire l'amour que
Mme A éprouve éventuellement pour moi.
Les
amoureux perfectionnistes regretteront de ne pas avoir
la possibilité d'en savoir plus sur cet amour.
Mais les pragmatistes s'en satisferont, sachant que
l'amour n'est pas une réalité objective
du monde des ontologies (c'est du moins ce que l'on
dit).
Ces
mêmes pragmatiques pourront cependant aller
plus loin, en établissant un algorithme mathématique
prévisionnel donnant une représentation
abstraite du résultat obtenu. Ils établiront,
pour toute opération de préparation
P, une fonction d'état ou fonction de probabilités
r qui représente l'ensemble de tous les résultats
expérimentaux en fonction du temps t (ce
qui s'impose dans notre cas, car les sentiments de
Mme A peuvent évidemment évoluer dans
le temps, ce qui suppose la répétition
fréquente des mesures - répétition
jugée parfois lassante dans certains couples.
Une fois que cette fonction de probabilité
a été construite, des algorithmes simples
permettront de calculer des prévisions quantitatives.
Mais il ne s'agira que de prévisions probabilistes
globales et pas de prévisions individuelles
affirmées avec certitude. Elles pourront cependant
se révéler d'une précision déconcertante,
mettant en jeu des fractions infimes des unités
macroscopiques de temps et d'évaluation.
Ainsi
le symbole @ qui au départ n'était qu'un
simple étiquetage subit finalement une transmutation
en un outil mathématique @(r,t) de description
probabiliste prévisionnelle, qui me sera
fort utile dans la suite de mes relations, physiques
autant que virtuelles, avec Mme A. Ce sera en quelque
sorte la fonction d'onde de l'amour de Mme A pour moi.
L'opacité qui sépare le supposé
niveau virtuel des sentiments "en soi" et
mon propre niveau de perception et d'action est - en
ce sens - levée. Une structure descriptionnelle
prévisionnelle et vérifiable a été
mise en place.
On
voit cependant que la question naïve que, en
tant qu'amoureux de Mme A, je pouvais me poser : son
amour pour moi existe-t-il vraiment, ne peut pas être
résolue au fond vu que cet amour n'est pas
un objet extérieur à moi dont je pourrais
faire le tour et que je pourrais décrire objectivement.
Tout au plus pourrais-je dire qu'il s'est formé
une relation imbriquée entre elle, moi et les
instruments de communication que nous utilisons, chacun
des éléments influant sur les autres
et sur lui-même à chaque fois que se
pose la question de mesurer cet amour. Mais si je
voulais creuser davantage, je serais obligé
de me poser la question de ce qu'est la conscience
que j'ai de cette situation, et la façon dont
elle interagit avec celle de Mme A via nos instruments
d'échanges.
*
Les phrases en italiques sont directement transposées
du texte de l'article.
|
Nous
renvoyons à la suite de l'article de Mme Mugur Schächter
pour l'examen des conséquences épistémologiques
de l'application du formalisme quantique. Rappelons d'abord,
si cela est nécessaire, que l'exemple ludique que nous
avons choisi de développer n'intéresse pas la
physique quantique. Tout au plus pourrait-on avancer qu'il
se rapproche approximativement de la question des échanges
d'informations entre humains, et des contenus de significations
qui sont derrière les communications langagières.
Ceci
dit, on peut, là comme dans tous les autres domaines
de connaissances, retrouver la problématique du constructivisme
face au positivisme, ou du réalisme instrumental face
au réalisme des essences. L'article de Mme Mugur Schächter,
à partir de sa page 12, aborde directement cette question,
que l'on retrouve en permanence derrière les questions
que se posent les philosophes et certains scientifiques eux-mêmes
à propos de l'hypothétique réalité
en soi des "objets" quantiques définis par
leur fonction d'onde : nous serions en présence d'un
réservoir de potentialités relatives d'actualisation
et de l'ensemble de leurs probabilités, chacune posée
égale à la probabilité quantique observationnelle
correspondante, réservoir qui constitue l'invariant
ontologique associé à l'objet quantique observé.
L'article,
comme surtout la propre contribution de Mme Mugur-Schächter
au livre qu'elle a co-édité avec A. van der
Merwe, développe bien d'autres considérations
que nous ne commenterons pas ici. Nous y reviendrons ultérieurement
de façon, espérons-le, plus réfléchie,
en reprenant ce thème de la construction du réel,
dans l'optique élargie proposée par David Deutsch
(voir notre fiche de lecture du livre de cet auteur: L'étoffe
de la réalité. http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2004/jan/deutsch.html
Note
(1) Mme Mugur-Schächter
que j'avais consultée à propos de la pertinence
de cet exemple, a eu la gentillesse de me répondre
ceci: "Votre article m'a étonnée
et il m'a fait, bien entendu, un grand plaisir. Je vous
en remercie. Savez-vous que, à ce jour, je n'ai pas
pu encore me former une opinion stable concernant l'applicabilité
de ma "méthode de conceptualisation relativisée",
aux entités psychiques ? Mais la lecture de votre
exemple "paraphrasant" vient de me convaincre
d'un fait qui est loin d'être trivial : la méthode
s'applique bel et bien aux simulations d'entités
psychiques, qui, bien qu'elles ne soient pas elles-mêmes
des faits psychiques, peuvent établir un pont pragmatiquement
très intéressant vers l'immense domaine de
ces faits ". 
Pour
en savoir plus
Le
réseau européen Intelligence de la complexité
Les
promoteurs du réseau européen Intelligence
de la complexité (RIC) le présentent ainsi
:
" Le RIC s'est auto-constitué
depuis le Colloque de l'Université des Nations
Unies " Sciences et pratiques de la complexité
" (Montpellier, France, 1986), à l'initiative
- de l'Association européenne du Programme Modélisation
de la Complexité (AE-MCX),
- et de l'Association pour la Pensée Complexe (APC),
constituées dans les années suivantes.
Ce réseau qui s'exprime aujourd'hui principalement
par le site www.mcxapc.org se
construit sur le projet civique du développement
de " l'Intelligence de la Complexité "
(titre de l'ouvrage d'Edgar Morin et Jean-Louis Le Moigne,
L'Harmattan 1999) dans nos Cultures, et donc dans toutes
nos pratiques (enseignement et recherche tout autant que
responsabilités professionnelles, administratives
ou politiques).
" L'Intelligence de la Complexité, pour Comprendre,
c'est à dire pour Faire " se forme par l'organisation
dialectique des expériences se transformant en
(et transformées par) " Science avec conscience
" (Titre de l'ouvrage d'Edgar Morin, Ed. du Seuil,
coll. Point 1990) des responsables d'organisation interagissant
avec des enseignants et des chercheurs scientifiques.
L'Association
du PROGRAMME EUROPEEN MCX "MODELISATION DE LA COMPLEXITE"
Le Programme européen MCX www.mcxapc.org
a émergé à la fin des années quatre
vingt de la rencontre d'universitaires, de scientifiques et
de responsables d'organisations (entreprises et administrations)
principalement européens et francophones se proposant
de coopérer avec intelligence dans une commune attention
aux multiples complexités que rencontrent les sociétés
contemporaines.
Attention activée par la volonté de relier
- et non plus de séparer - le comprendre et le
faire, les connaissances et les pratiques, la réflexion
et l'action, au sein d'un projet culturel, civique et
pragmatique de développement des Nouvelles sciences
d'ingénierie des systèmes complexes.
Plutôt que d'attendre que les institutions sociales
se réforment miraculeusement, il s'agit de témoigner,
de confronter nos innombrables et diverses expériences
professionnelles et civiques, avec modestie, sans arrogance,
mais avec une "obstinée rigueur, comprendre
pour faire et faire pour comprendre".
Le programme européen MCX coopère en parfaite
symbiose avec l'Association internationale pour la Pensée
Complexe, APC. www.mcxapc.org
L'Association
internationale pour la pensée complexe
L'Association
pour la pensée complexe, fondée par Edgar
Morin, se propose de fonctionner à la manière
d'un catalyseur,, ses vocations étant aujourd'hui
:
-de contribuer à la promotion d'une pensée
complexe dans tous les domaines de la société
et de la connaissance afin d'aider les sociétés
à répondre aux défis défi
de la complexité que rencontre la "Terre-Patrie"
- de stimuler et susciter dans le plus grand nombre possible
d'institutions, de cercles, de groupes. Des initiatives
de recherches et d'animation des réflexions collectives
sur l'action humaine en situation complexe.
d'uvrer à l'insertion de la pensée
complexe dans l'éducation, la formation, la recherche,
les stratégies, les programmes.
- d'établir des relations en réseau avec
les associations, les équipes universitaires, les
groupes et les personnes dans le monde qui s'attachent
au développement de la pensée complexe dans
les cultures et les enseignements, en tirant parti notamment
des multiples ressources permises par les communications
et les documentations permises sur les toiles Internet.
Pour ce faire, l'APC a publié un annuaire intercontinental
de la pensée complexe qui sera prochainement mis
à jour.
Depuis leur formation, l'APC et le Programme européen
MCX oeuvrent ensemble. Cette route commune s'est concrétisée
à partir de 1997 par des publications "Chemin-Faisant"
et par la co-animation du Site Web www.mcxapc.org
Ce réseau entretient des ateliers et publie des documents
de travail. Par ailleurs, il a favorisé la publication
d'un certain nombre d'ouvrages en rapport avec son objet dont
on trouve la liste à la page http://ns3833.ovh.net/%7Emcxapc/ouvrages.php
Table
des matières de Proposals for a Formalized Epistemology
·
Preface
· Introduction
· Part one : Preliminary Explorations : What,
Why, How ?
1. Francis Bailly : Remark About the Program for a Formalized
Epistemology
2. Hervé Barreau : Formalized Epistemology in
a Philosophical Perspective
3. Michel Bitbol : Formalized Epistemology, Logic and
Grammar
4. Michel Paty : Epistemic Operations and Formalized
Epistemology : Contribution to the Study of the Role
of Epistemic Operations in Scientific Theories
5. Francis Bailly, Michel Bitbol, Mioara Pugur-Schächter,
Vincent Schächter (interlocutors) : Mathematical
Physics and Formalized Epistemology : Debate with Jean
Petitot
6. Robert Vallée : On the Possibility of a Formalized
Epistemology
· Part two : Constructive Contributions
7. Mioara Mugur-Schächter : Quantum Mechanics Versus
a Method of Relativized Conceptualization
8. Robert Vallée : Mathematical and Formalized
Epistemologies
9. Elie Bernard-Weil : Ago-Antagonistic Systems
· Part three : Further Explorations
10. Evelynee Andreewsky : Complexity of the "Basic
Unit" of Language : Some Parallels in Physics and
Biology
11. Francis Bailly : About the Emergence of Invariances
in Physics : from "Substantial" Conservation
to Formal Invariance
12. Michel Bitbol : Form and Actuality
13. Michel Paty : To Suspended Informal Time
14. Giuseppe Longo : The Constructed Objectivity of
the Mathematics and the Cognitive Subject
15. Vincent Schächter : On Complexity
· Appendix : Biographical Notes
· Author and Subject Index
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