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d'Admiroutes |
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2 pages |
Editorial de Jean-Paul Baquiast |
15 avril 2000 |
1. Les travaux sur la réforme de l'Etat sont encore très rares aujourd'hui en France. Ils pèchent en tous cas par divers défauts :
- émaner de spécialistes. Le grand public n'a pas été associé ni consulté, non plus d'ailleurs souvent que les agents publics et leurs syndicats. C'est le cas de nombreux rapports, généraux ou particuliers, demandés par le gouvernement à de hauts fonctionnaires ou à des personnalités politiques.
- reposer d'emblée sur des a priori, avant même d'essayer de consulter des citoyens. L'a priori libéral est le plus répandu : l'Etat est trop dépensier, ou fonctionne mal. Il faut privatiser. L'a priori contraire n'est pas de meilleur conseil : si l'on touche quoi que ce soit à l'organisation ou aux moyens des administrations, l'on participe d'une opération politique visant à " démanteler " l'Etat, ou diminuer les avantages présumés de la fonction publique.
- ne pas situer la question dans la perspective, inévitable aujourd'hui, de l'évolution du cadre géographique du service public. Aujourd'hui, une même fonction (par exemple la surveillance et la protection des côtes maritimes) peut en principe être exercée dans un cadre régional ou local, national, européen ou même international. Il faut à chaque fois se demander quel est le meilleur de ces cadres et, au cas où plusieurs d'entre eux devaient être superposés, comment se ferait la répartition ou la coopération entre responsabilités.
- ignorer les immenses possibilités (assorties de nouvelles contraintes), offertes désormais par les technologies de l'information, notamment Internet. Si celles-ci sont évoquées, c'est sur des points superficiels (mettre en ligne les formulaires administratifs...), en oubliant l'accélération rapide des techniques et des usages (par exemple aujourd'hui, en 2000, l'Internet sur mobile ou WAP qui peut changer la façon de travailler de beaucoup d'agents...et d'usagers de l'administration).
- ignorer plus généralement les aspects véritablement politiques du développement de la société de l'information, qui se présentent généralement sous une forme balancée : émergence de nouvelles forces économiques pouvant se révéler dangereuses pour la démocratie ET possibilités nouvelles de parole et d'action données aux travailleurs et consommateurs - renforcement de l'exclusion ET développement de nouvelles démarches d'insertion - poids accru des Etats-Unis ET apparition de nouvelles opportunités d'action et de développement dans les pays pauvres, etc. En fonction des choix philosophiques de chacun, les orientations à donner à la réforme de l'Etat dans un pays donné, au regard de ces alternatives, seront évidemment différentes. Elles devront être précisées clairement, et le cas échéant, poursuivies sur le plan politique proprement dit.
2. Que peut-on se proposer de faire pour changer tout cela, afin que la (ou les) réforme(s) de l'Etat puisse(nt) véritablement progresser? Il semble que quelques principes élémentaires méritent d'être retenus pour nous guider :
- se persuader que le gouvernement seul (quelle que soit son orientation politique) ne pourra faire avancer la moindre réforme. Les articles de journaux se multiplient actuellement pour expliquer que M. Jospin, actuellement au pouvoir, n'a pu et ne pourra réformer, pour d'innombrables bonnes raisons : résistance des fonctionnaires, manque de temps, manque de consensus des citoyens, poids des perspectives électorales. Tout cela n'est pas faux, mais se retrouvera après les élections de 2002. La réforme ne se ferait donc jamais, si l'on comptait uniquement sur une hypothétique volonté gouvernementale pour la faire. Il faut impérativement trouver d'urgence un autre moteur.
- se persuader qu'une société (ou simplement une communauté professionnelle) évolue par le développement, de plus en plus répandu et accepté en son sein, de nouveaux outils et nouveaux usages. Si l'on estime que les outils de l'Internet, ou les usages de la coopération entre fonctionnaires et citoyens au plan le plus local possible, sont susceptibles de provoquer une évolution favorable, il faut d'abord multiplier les équipements, les formations, les cadres juridiques adéquats, les expériences de terrain utilisant ces nouvelles possibilités, et attendre de voir ce qui va se produire. Les décisions politiques à prendre en ce cas sont faciles à faire admettre (même si elles coûtent un peu d'argent et beaucoup de modestie). Les grandes réformes législatives ne viendront qu'ensuite, pour entériner des évolutions déjà entrées dans une certaine pratique.
- se persuader enfin qu'une société, même apparemment très informée, comme l'est la nôtre, fonctionne encore largement sur le mode automatique, ou plutôt comme un automate peu intelligent*. Il en est de même des sous-groupes sociaux qu'elle inclut : administrations, entreprises, syndicats, etc. Il ne faut donc pas s'étonner de la voir évoluer aussi lentement. Or les nouvelles possibilités de la société de l'information, tous médias réunis, dès lors qu'ils jouent le jeu de l'interactivité, donnent d'énormes possibilités pour introduire ce que l'on pourrait appeler de l'intelligence et de la conscience réparties dans les divers brontosaures, pour ne pas parler de mammouths, qui nous structurent. Ceci veut dire en particulier qu'il faudra utiliser systématiquement les possibilités des nouveaux médias interactifs pour faire connaître, discuter et amplifier les expérimentations évoquées au paragraphe précédent.
3. Dans sa modeste sphère, quel rôle pensez vous que puisse jouer Admiroutes? Des nombreux contacts que j'ai eus avec vous depuis les récentes semaines, j'ai retenu quelques idées qui paraissent à la portée d'une petite équipe virtuelle comme la nôtre, travaillant, il faut le rappeler, sans soutiens ni mandats externes, sur le mode du bénévolat :
- ouvrir un forum sur le thème des besoins et solutions intéressant la réforme de l'Etat. Ce forum fonctionnant sur un mode plus simple à manier et dans une perspective plus ciblée que ne le fait le forum des Cahiers de Doléances, prolongera ce dernier et reprendra sans doute beaucoup des points de vue exprimés.
- élaborer parallèlement un dossier, en temps réel, tenant compte des suggestions reçues et leur donnant une présentation méthodique. Au départ, le dossier offrira, sans les remplir, un certain nombre de cadres ou questions générales permettant de segmenter le thème, hélas très touffu, de la réforme de l'Etat. Ce travail, dont j'assurerai la mise en forme, sera inévitablement critiqué, comme ne tenant pas compte de tous les points de vue exprimés. Mais rien n'empêchera ceux qui le souhaiteront de construire et diffuser leur propre dossier. Nous ferons des liens sur eux s'ils le souhaitent.
- mettre en place enfin un mini-portail de toutes les publications exemplaires (rapports, articles, provenant de France ou d'autres pays) ou références d'expériences, concernant le sujet. Là aussi, il faudra que nos correspondants les plus fureteurs nous signalent ce qui est intéressant.
Tout ceci, sauf incident de parcours, sera amorcé sur ce site dans quelques jours ou semaines.*Christophe Jacquemin et moi-même préparons un autre dossier, qui sera sans doute très révolutionnaire (un peu de pub préalable ne fait de mal à personne!), sur le sujet des automates intelligents.
http://www.admiroutes.asso.fr/edito/2000/refetat.htm
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